Le matin du 11 septembre 1917, le temps est un peu frais mais clément. C’est un temps pour voler, « un temps à Boche », comme le dit souvent Georges Guynemer, héros de l’aviation française à seulement 22 ans. Déjà crédité de 53 victoires, il est couvert de prestigieuses médailles qui viennent récompenser son audace, sa fougue, son ardeur patriotique : il est officier de la Légion d’honneur, titulaire de la médaille militaire, de la croix de guerre avec 25 palmes. Il est aussi décoré de nombreux ordres étrangers. Ce 11 septembre, il part comme à chaque fois que le climat le lui permet, en patrouille avec ses coéquipiers. Il y a deux groupes : une patrouille basse qui va servir d’appât pour l’aviation ennemie et une patrouille haute, composée du capitaine Guynemer et du sous-lieutenant Jean Bozon-Verduraz. Les deux groupes d’aviateurs partent vers 8 h 30 de l’aérodrome de Saint-Pol-sur-Mer et rejoignent la ligne des Flandres, vers Bischoote-Langemark. C’est un secteur que Guynemer connaît bien pour y avoir remporté quelques victoires.
Après une heure de vol, Guynemer et son ailier remarquent la présence d’un avion de reconnaissance allemand. D’un battement d’ailes, le jeune capitaine avertit Bozon-Verduraz qui va le prendre en chasse. Ce qu’il fait. Au même moment, le sous-lieutenant aperçoit au loin un groupe de huit avions ennemis qui s’approchent d’eux. Bozon-Verduraz se souvient des cours appris à l’école d’aviation et joue les appâts. Après avoir entraîné les avions ennemis au loin, il revient à son point de départ. Mais il ne trouve aucune trace de Guynemer et de son avion, le Vieux Charles. À court d’essence, il rentre à Saint-Pol-sur-Mer.
Dans l’escadrille, on attend Guynemer. Il est 10 h 30. L’inquiétude gagne. Un avion ne peut voler trois heures avec un plein d’essence. Guynemer s’est-il posé quelque part en raison d’une panne, comme cela s’est produit quelques jours auparavant ? Sur ordre du commandement, on téléphone dans les aérodromes amis, on forme des patrouilles pour rechercher Guynemer. Ces dernières ne trouvent rien. Quand la nuit arrive, il faut se rendre à l’évidence : Guynemer a disparu. Sur le carnet de vol, Bozon-Verduraz écrit : « Mardi 11 septembre 1917 : patrouille. Le capitaine Guynemer, parti à 8 h 25 avec le sous-lieutenant Bozon-Verduraz, disparaît au cours d’un combat contre un biplan au-dessus de Poelcapelle »(sic). Les recherches se poursuivent les jours suivants. Jusqu’à ce que la résignation l’emporte. Le 26 septembre, les autorités françaises se résignent à publier un communiqué laconique : « Dans la matinée du 11 septembre, le capitaine Guynemer, parti en reconnaissance dans la région des Flandres, s’est trouvé, au cours des péripéties d’une poursuite d’avion ennemi, séparé de son camarade de patrouille et n’a pas reparu depuis. Tous nos moyens d’investigation mis en jeu n’ont donné, jusqu’à ce jour, aucun renseignement complémentaire. » Que s’est-il passé ? La version la plus probable est que Guynemer a été tué en combat. Que son avion s’est écrasé à Poelkapelle, entre les lignes anglaises et allemandes. De puissants tirs d’artillerie ont labouré le terrain. Ce qui explique que l’on n’a rien retrouvé : ni son corps, ni l’avion.
Henri de Saint-Amant – Boulevard Voltaire