La question du fameux compteur électrique Linky qu’on essaie de vous caser de force ne m’intéressait, jusqu’ici, qu’à cause du côté obligatoire, de la puissance publique qui sait mieux que nous ce qui nous convient. En l’espèce, il semblerait que cela convienne surtout au prestataire. En gros, pour résumer la situation, le principal argument du fournisseur d’électricité est « c’est plus commode pour nous le fournisseur, ça nous permet de réduire le personnel et les sorties sur le terrain », etc. Mais la question de savoir si c’est commode pour les gens n’est visiblement arrivée qu’en deuxième position, comme toujours en France.
C’est comme ces innombrables panneaux que l’on voit le long des chantiers publics quand on construit des quatre voies, des ronds-points, etc. Il est souvent écrit « pour votre sécurité, l’État fait ceci ou cela ». Mais où sont les consultations directes à ce sujet ? Vous allez me dire qu’il y a toujours une « enquête d’utilité publique », mais avez-vous jamais vu une enquête qui mène à l’annulation d’un projet ? Elle est surtout là pour donner au peuple l’impression qu’il participe.
Depuis l’an passé, nous savons qu’il est possible de faire une primaire à la sauvette dans un bureau de vote, mais quand on bouleverse un quartier entier, les habitants n’ont pas voix au chapitre. Eh bien, donc, pour le compteur Linky, c’est la même chose. On vous impose un truc en vous disant : « On a réfléchi pour vous, c’est obligatoire. » Toutefois, personne n’ajoute « pour votre sécurité » parce que les témoignages du contraire se multiplient. Je ne veux pas entrer dans les discussions relatives au champ magnétique, je ne veux pas non plus commenter la thèse selon laquelle il permet de surveiller la présence au domicile et la nature de la consommation, c’est sans doute vrai mais c’est moins important que le principal. Et le principal, c’est que ce compteur met le feu aux maisons et aux appartements, les témoignages affluent, les dates concordent. Maintenant, il est toujours possible qu’il ait été mal posé ; c’est, d’ailleurs, la raison qu’invoque le fournisseur à chaque fois, en se dégageant de toute responsabilité, mais le problème est qu’à chaque fois que les experts discutent de tout cela, entre l’assurance du particulier et celle du fournisseur, la première clause qu’ils vous font signer est une clause de confidentialité. Donc, il n’est pas impossible, allez savoir, que les résultats de l’enquête soient préjudiciables à la politique de déploiement. Et quels pourraient être ces résultats ? Eh bien, que l’appareil est mal conçu, qu’il disjoncte trop ou pas assez, que les composants sont trop bon marché et qu’ils ont tendance à chauffer – on lit un peu de tout. Je n’ai pas la compétence nécessaire pour évoquer autre chose que des hypothèses.
En revanche l’exercice pour lequel il y a très peu de candidats consiste à montrer qu’on vous promène, qu’on vous cache l’essentiel, parce qu’il est incorrect d’évoquer certaines raisons humaines, sociales, au déploiement forcé de ce compteur. La tiers-mondisation de notre pays généralise des pratiques de fraude au compteur, c’est connu. Dans certains quartiers, on peut réduire sa consommation apparente de 30 % en modifiant le serrage d’une vis, certains compteurs ont une alerte d’ouverture du capot et un détecteur, qu’il est impossible de neutraliser pour un particulier, mais pour un spécialiste, c’est possible, et ce sport est souvent pratiqué dans tous les fameux territoires perdus de la République. Alors, une fois de plus, c’est le pays profond, le pays réel qui paie la sécurité expérimentale du compteur Linky, alors qu’il aurait été plus simple, en tout cas plus courageux, et plus utile, de faire une descente massive chez les auteurs de fraudes.
Christian Combaz – Boulevard Voltaire