Du confort pour les clandestins, rien pour nos soldats!

 

Nous sommes au mois d’août. Notre pays vit au ralenti car, malgré les difficultés économiques, un grand nombre de Français sont en vacances. Certains bronzent allongés sur des plages surpeuplées loin des grandes villes où ils résident et qui sont pour l’heure pratiquement désertes. Pas tout à fait cependant, car dans un grand nombre d’entre elles et pas seulement à Paris et en Ile-de-France, des militaires veillent. Ce sont les soldats engagés dans le cadre de l’opération Sentinelle.

A partir du 9 janvier 2015, plus de 10 000 militaires ont été déployés sur le territoire, 6 000 en Ile-de-France et 4 000 en province, en renforcement des forces de sécurité (Police et Gendarmerie). Ils sont encore 7 000 aujourd’hui, alors que les établissements scolaires, eux aussi objets de surveillance, sont fermés, et cela pour « aussi longtemps que la situation l’exigera » a précisé le ministre de la Défense, ce qui peut se traduire, comme ce fut déjà le cas pour le plan Vigipirate, par le maintien définitif du dispositif.

Au cœur de cet été, un certain nombre de nos compatriotes s’adonnent aux joies du camping. Pour autant, ils n’accepteraient sous aucun prétexte les conditions d’hébergement des soldats de Sentinelle pas même dignes du plus minable camping. Le journal Le Parisien du vendredi 10 juillet a publié, pour illustrer un article consacré à ce sujet, une photo saisissante. On y voit des militaires assis sur des lits de camp placés à touche-touche dans un local où sont stockés par ailleurs divers matériels dont des pneumatiques de tracteurs ! Dans le même article, il est dit qu’à Paris il manque mille lits pour héberger les militaires qui, dans le XIe arrondissement, par exemple, sont logés qui dans la mairie, qui dans un collège en construction. Un témoignage parvenu directement à l’ASAF et concernant un site Sentinelle de province a fait état du logement de 90 militaires, tous grades confondus, dans un gymnase.

Quand on sait, par ailleurs, que dans certains cas la prise de service quotidienne peut durer plus de 18 heures et, compte-tenu de ces conditions de vie peu propices à la récupération physique et psychologique, on peut se demander dans quel état seront les unités qui, terminant un cycle Sentinelle, se prépareront à partir (en vérité, repartir) en opération extérieure (Opex). Oui, conditions psychologiques aussi, car, ne nous y trompons pas, la mission n’est pas une sinécure. A la date du 10 juillet et depuis le début de l’opération, 1074 incidents ont eu lieu, soit, sur une période de six mois, une moyenne de six par jour. Pour 70% d’entre eux, il s’est agi de menaces et d’insultes à l’encontre des soldats qui ont justifié plus de cent dépôts de plaintes. Si la majorité de nos concitoyens réservent le meilleur accueil à « leurs » militaires er font preuve de prévenance à leur égard, le monde merveilleux des Bisounours n’est pas le lieu commun à tous.

La mission ne pourra se poursuivre longtemps dans de telles conditions. Déjà, le général gouverneur militaire de Paris parle de la réactivation de sites militaires abandonnés dans la capitale où seraient installées des infrastructures légères à l’image des bâtiments préfabriqués mis en place au camp des Loges. Il faut offrir à nos militaires des conditions de vie leur permettant de tenir dans la durée sans trop éroder leur potentiel en vue des opérations extérieures futures où ils seront engagés. L’octroi d’une prime de 150 à 200 € jusqu’au grade de capitaine est la bienvenue, surtout pour les militaires du rang dont la solde, modeste, sera ainsi améliorée. De même, une nouvelle décoration, la médaille de la protection militaire du territoire, concrétise le fait que la mission Sentinelle n’est pas une mission au rabais et mérite, comme les Opex, attention et reconnaissance.

Dès lors, on ne peut éviter d’aborder la question budgétaire. En effet, nos armées étant désormais engagées, en permanence, à la fois sur huit théâtres extérieurs (Tchad, Niger, Mali, Mauritanie, Burkina-Faso, République centrafricaine, Irak et Liban) et sur le territoire national (opérations Sentinelle depuis 7 mois en Métropole et Harpie depuis 7 ans en Guyane), ne sont plus des armées du temps de paix, mais des armées du temps de guerre et doivent, à l’évidence, bénéficier de ressources financières adaptées à ce contexte. Or, la Loi de programmation militaire en cours d’exécution, comme celles qui l’ont précédée, est une disposition législative du temps de paix. Il est donc temps d’opérer la mutation nécessaire.

A Paris, dans l’Hôtel de Brienne où réside et travaille le ministre de la Défense, a été inauguré, le 17 novembre 2014, le bureau de Georges Clemenceau reconstitué dans son état original. Puisse cet illustre personnage inspirer nos gouvernants d’aujourd’hui lui qui, alors qu’il faisait la guerre, affirmait qu’elle était sa seule et unique priorité !

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