It comes at night, soit Ça arrive la nuit, est un drame dur, très bien construit. Certaines affiches ou bande-annonces ont joué sur les codes du sous-genre de l’horreur : elles sont trompeuses, et utilisent les images des cauchemars d’un adolescent dans le film. Il y a en effet de quoi faire des cauchemars dans le contexte d’une épidémie de peste ravageant l’humanité. La Peste Noire au XIVème siècle a emporté le tiers ou la moitié des populations qui en ont été victimes, des îles britanniques à la Chine. Comment réagiraient nos sociétés face à une épidémie similaire ? Elles s’effondreraient totalement. La médecine moderne ne pourrait rien face à un virus inconnu et très puissant. C’est du moins la thèse crédible présentée dans les films. En effet, il n’y a plus 90 % de paysans dans la société, qui se remettraient simplement à cultiver les terres, entre deux épisodes épidémiques, comme au XIVème siècle. Les circuits d’approvisionnements en nourriture, reposant sur très peu d’agriculteurs au départ, ne tiendraient pas face à une épidémie massive, d’où un chaos très supérieur à celui, finalement étonnamment contenu, du XIVème siècle.
It comes at night, très dur, très sombre et très bien mené
It comes at night se veut à l’opposé du film-catastrophe à grand spectacle que pourrait inspirer un tel scénario. Il se concentre sur le devenir d’une famille qui essaie de survivre dans une maison isolée à la campagne, qui se décide à accueillir une autre famille. En effet, à 6 personnes, au lieu de 3 – le grand-père meurt en début de film -, il y aurait davantage d’échanges, de vie sociale. Et l’homme, on le sait depuis Aristote est fondamentalement un animal social. Quand la société est trop réduite, surtout dans un climat de menace latente permanente, les hommes risquent tout simplement de perdre la raison. Ce qui fait aussi l’humanité est la capacité à s’aider les uns les autres. Tenter la cohabitation est donc vouloir retrouver pleinement son humanité, comme suspendue par des règles de précautions draconiennes, et, pour tout dire, inhumaines face à des êtres humains inconnus. Comment concilier volonté de refonder une petite communauté humaine, reposant sur la confiance, et la méfiance imposée par les tragiques circonstances ? L’impossible conciliation des contraires servira de ressort dramatique essentiel à cette tragédie, au sens antique ou classique, qui tient beaucoup de la pièce de théâtre.
La cohabitation n’ira donc pas sans obstacles, et une méfiance croissante sapera à la longue le pacte d’association initial. En cas de péril imminent, mortel, chacune des deux familles privilégiera évidemment les siens. Se pose ainsi la question de la contamination ou non d’un enfant : les parents ne l’abandonneront jamais, évidemment, se mettront eux-mêmes en situation de péril mortel, soit, mais du coup mettront l’autre famille aussi dans une situation comparable.
It comes at night, assurément très dur et sombre, n’en est pas moins dans son genre très bien mené.