Par Alain Sanders
Quand j’étais plus jeune et que l’école primaire enseignait encore l’histoire de France, j’aimais particulièrement Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. Pourquoi en faire le héros de cette chronique ? Parce que nous aurions dû célébrer cette année le 490e anniversaire de sa mort. Nous aurions dû. Mais ce n’est pas leur ministère de la Culture, même débarrassé de la Filipetti, qui le fera…
Pierre Terrail, seigneur de Bayard, est né en 1476 dans un petit château de la vallée du Grésivaudan, non loin de Grenoble. Son trisaïeul avait été tué à Poitiers aux côtés de Jean le Bon. Son bisaïeul était mort à Azincourt. Son aïeul avait été blessé à mort à Montlhéry. Son père avait reçu de telles blessures au service du roi qu’il avait été obligé de quitter l’armée.
Se sentant près de sa fin, ce père héroïque fit venir ses quatre fils pour leur demander quel état ils souhaitaient embrasser. L’aîné répondit qu’il assurerait la continuité de la maison paternelle. Les deux plus jeunes déclarèrent qu’ils voulaient épouser la condition religieuse. Pierre, le futur Bayard, qui n’avait pas encore 14 ans, répondit :
— Monseigneur mon père, je ne désire rien tant que de suivre la carrière des armes, espérant continuer les traditions de bravoure de notre famille.
On l’envoya chez le duc de Savoie. Au moment de son départ, son père lui donna sa bénédiction. Sa mère lui commanda d’aimer et de servir Dieu, d’être serviable à toutes gens, secourable aux veuves et aux orphelins, de n’être ni médisant ni flatteur, ni rapporteur ni envieux, de vivre sobrement, d’être loyal et de toujours tenir sa parole.
Toutes recommandations que nos instits, hussards noirs de la laïque, trouvaient épatantes et développaient d’abondance (en glissant sur l’amour et le service de Dieu…) pendant les leçons de morale.
Bayard fut présenté à Charles VIII. Il plut au roi qui l’attacha à la personne d’un de ses gentilshommes. A 17 ans, il passa de l’état de page à celui d’homme d’armes dans une compagnie d’ordonnance. Il sera aux côtés de Charles VIII dans les guerres d’Italie. A la bataille de Fornoue, il a deux chevaux tués sous lui. Plus tard, il suivra Louis XII dans ses expéditions du Milanais et au royaume de Naples. Sur le pont du Carigliano, il défendit seul le passage contre deux cents Espagnols. Il sera gravement blessé lors de l’assaut de Brescia et se fera remarquer à la bataille de Ravenne (où fut tué Gaston de Foix).
En Navarre, il guerroie contre le roi d’Aragon. En Picardie, contre les Anglais. En Italie, il est aux côtés de François Ier. On sait – du moins le savait-on quand on l’enseignait encore – que François Ier lui demanda de l’armer chevalier sur le champ de bataille. A Mézières, il tint la ville contre les Impériaux (1).
Il y eut le combat de trop. En Italie. Au passage de la Sésia, alors qu’il chargeait l’ennemi, un coup d’arquebuse lui brisa la colonne vertébrale. Il fut adossé à un arbre. Puis le chef des Espagnols, Pescaïre, le fit étendre sur un lit de camp. Le connétable de Bourbon, passé au service de Charles-Quint, vint le voir et l’assurer de son chagrin de le voir si cruellement atteint. Il lui répondra :
— Je vous remercie, mais ce n’est pas moi qu’il faut plaindre car je meurs en homme de bien en servant mon roi, tandis que vous combattez contre votre foi et votre roi.
Il mourut quelques heures plus tard. Sa dépouille fut ramenée à Grenoble. Il est enterré dans l’église Saint-André.
(1) Les partisans de l’empereur Charles-Quint, maître de l’Autriche, des Pays-Bas, de l’Espagne (et des territoires que l’Espagne possédait au-delà des mers).