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Après une vente interminable, le tableau des Le Nain récemment redécouvert national et classé trésor national a été adjugé aujourd’hui 2,9 millions d’euros au marteau, sans être préempté par un musée français. Les Rouillac ont souligné abondamment avant la vente que les acheteurs étrangers ont renoncé à cet achat faute d’être certains de pouvoir l’exporter. Mais rien n’obligeait les vendeurs et les commissaires-priseurs à vendre ce tableau aux enchères alors qu’il ne peut sortir de France avant trente mois. Rien dans la loi ne s’opposait donc à ce que le ministère de la Culture préempte ce tableau.
Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? On peut imaginer plusieurs hypothèse. La première – qui serait inattendue et excellente – serait celle d’un achat par un mécène qui le donnerait immédiatement à un musée français et bénéficierait ainsi de la déduction fiscale de 90% sur les trésors nationaux sans passer par la préemption dont certains auraient pu dire qu’elle avait été faussée par l’interdiction de sortie.
Une autre hypothèse serait que les musées étaient prêts à préempter mais à un prix inférieur à l’adjudication. Si celle-ci a été soutenue, elle n’est cependant pas excessive et il serait incroyable d’avoir laissé partir le tableau à ce prix.
La troisième serait que le ministère de la Culture n’a pas été capable de mobiliser les fonds nécessaires et compte désormais profiter du délai avant exportation pour les réunir. Là encore, c’est peu crédible et risque d’aboutir à le payer plus cher que le prix aux enchères.
Enfin, la dernière serait l’absence de toute décision au niveau du ministère de la Culture qui se trouve actuellement comme un bateau sans capitaine. Le directeur général des Patrimoines est déjà sur le départ depuis plusieurs mois sans que le ministère ait encore pu nommer son successeur et il n’y a plus de directeur du Service des Musées de France. Quant au Louvre, sa politique d’acquisition est tellement erratique qu’on ne sait que penser.
Le chef d’œuvre inédit des frères Le Nain a été vendu aux enchères le 10 juin La toile, une huile de 72 cm sur 54 cm, représente Jésus, à l’âge de 6 à 8 ans, à genoux, les bras croisés sur le coeur. L’enfant blond a les yeux bleus, la peau claire, les traits fins, les joues roses, les lèvres colorées. A terre, le pichet avec lequel Ponce Pilate se lave les mains, l’échelle qui servira à la descente de la croix, la lanterne des soldats qui s’éteindra au moment de la mort du Christ, les clous… Un paysage crépusculaire et un grand rideau violet accentuent le contraste de cette scène étrange. Selon Stéphane Pinta du cabinet d’experts parisien Éric Turquin, il s’agit d’une “oeuvre majeure des frères Le Nain, probablement exécutée entre 1642 et 1648, après la naissance de Louis XIV”.
Les spécialistes sont unanimes : c’est un Le NainLe tableau apparait, fait rare, sur sa toile d’origine. “Il est inconnu et inédit. Comme une grande partie de l’oeuvre des Le Nain. Quand vous observez le visage de l’enfant, vous retrouvez le modèle fétiche des frères” peintres. “Nous avons fait deux analyses par radio et infrarouge. Tous les spécialistes des artistes sont unanimes ! C’est un Le Nain”, selon Stéphane Pinta.
Le commissaire-priseur Philippe Rouillac explique que la toile a été “confrontée un jour de fermeture du Louvre avec les quinze autres Le Nain (sur 75 connus dans le monde) exposés dans le musée. Non seulement, il n’y a pas l’ombre d’un doute mais c’est aussi l’un des plus beaux”.
La propriétaire l’avait reçu en cadeau de sa grand-mère, dans les années 1950En octobre 2017, Philippe Rouillac et son fils Aymeric ont été contactés par une septuagénaire de Vendée. “Elle m’explique qu’elle vend des vieilleries sur Internet et qu’elle a un doute sur un tableau offert par sa grand-mère dans les années 1950”.
“Quand je suis arrivé chez elle, le tableau était accroché au mur du salon”, se souvient Aymeric Rouillac. Avec l’autorisation de la propriétaire, il emporte le tableau pour l’étudier.