Nous avons beaucoup glosé, ces derniers jours, sur un sujet d’une extrême gravité. Un sujet qui remisait au second plan toutes les vétilles routinières : terrorisme islamique, incurie gouvernementale, décrépitude des partis dits de gouvernement, sans parler des sujets mis en permanence sous le tapis par les médias prétendument grands. Il s’agissait de déterminer si, oui ou non, une « fournée » renferme une connotation antisémite et si Jean-Marie Le Pen avait, oui ou non, l’intention de brûler vif quelque troubadour ; et plus généralement, peut-être, si nous devions désormais considérer nos boulangers comme de potentiels bourreaux nazis.
La troupe des sympathisants du Front national et des observateurs honnêtes s’est vite scindée en deux. D’une part les « marinistes », et de l’autre les défenseurs du « Menhir », inconditionnels ou non.
D’un côté, on déplorait le dernier calembour du patriarche, redoutant que l’image du parti n’en fût écornée, et dans le sillage du député Gilbert Collard, on exhortait le vieux à se taire ; les autres, semble-t-il minoritaires, refusaient quant à eux de se soumettre aux injonctions de la milice du vocabulaire homologué.
Dans un dialogue de sourds, comme de coutume dans le débat moderne, les uns parlaient stratégie politique, les autres répondaient liberté d’expression. Une poignée, enfin, s’entêtait à tenter de démontrer que cette énième polémique n’avait pas lieu d’être, et qu’en débattre revenait un peu – comme le disait Céline, monstre indépassable – à enculer les mouches. Mais là n’était pas le débat…
Car il faut reconnaître que les malandrins de la presse indignée ont acquis une telle autorité sur les esprits les moins perméables aux lubies médiatiques que leurs calomnies ne sont bien souvent même plus soumises à l’examen.
Soyons sérieux : plus encore qu’à l’accoutumée, cette polémique ubuesque n’a d’autre traitement possible que celui qu’aurait pu lui donner le regretté Philippe Muray. Nous devrions en rire grassement et montrer du doigt les imbéciles malveillants qui lui donnent crédit et l’alimentent.
Rares sont pourtant les cadres du Front national à avoir fait preuve de cette simple mesure d’hygiène, en renvoyant les fabricants de scandales à leur niaiserie. Demander à Le Pen – comme à quiconque – de se taire revient à abdiquer devant la pensée autorisée et réclamer une France encore plus cadenassée. Le jeu de l’hypothétique conquête du pouvoir vaut-il la chandelle du renoncement à ses principes les plus élémentaires ?