Ce lit a été réalisé pour Valtesse de la Bigne, l’une des courtisanes les plus en vue à Paris à la fin du XIXe siècle. Séduisante et intelligente, cette « lionne » fait fortune. Elle se fait offrir un hôtel particulier, boulevard Malesherbes, par le prince de Sagan où elle organise des fêtes brillantes, laissant à ses amis le privilège de voir sa chambre. C’est ainsi que Zola, séduit, s’en inspire pour décrire la chambre de Nana, l’héroïne de son roman le plus scandaleux.
Le décor de la chambre est confié à Édouard Lièvre qui vient d’achever l’aménagement de la chambre du peintre Édouard Detaille, ami intime de Valtesse. Il propose un lit dit « de parade », traditionnellement conçu pour recevoir dans sa chambre, selon le rituel instauré par Louis XIV à Versailles ; ce type de lit est généralement en bois doré, rehaussé par une estrade et séparé du reste de la chambre par une balustrade.
Pour Valtesse, Lièvre donne un tout autre sens à la balustrade : fixée sur le pourtour du lit et ornée de deux cassolettes enflammées, elle délimite le territoire licencieux des amants. Au chevet, il place deux petits amours potelés pour soutenir un blason portant la lettre V couronné.
Des masques de faunes grimaçants, que Valtesse appelait « le petit dieu malin », veillent avec un sourire sardonique au sommet du baldaquin et leurs profils se retrouvent au chevet de part et d’autre du blason.