Dans une enquête publiée le 10 avril, le site Mediapart révèle comment la communauté LREM opèrerait afin d’instrumentaliser les réseaux sociaux. Des actions en contradiction totale avec la doctrine officielle du parti présidentiel.
«A tous les #MacronistesAnonymes…vraiment, MERCI !!!» Ce message, posté sur Twitter en février 2019, est l’œuvre de Benjamin Griveaux, l’ancien porte-parole du gouvernement et désormais candidat à la Mairie de Paris. Deux ans plus tôt, ce même Benjamin Griveaux déclarait, toujours sur le réseau social : «Quand on a un peu de courage, on ne twitte pas anonymement. La démocratie se vit à visage découvert.» Alors que s’est-il passé entre ces deux déclarations ?
Dans une enquête publiée le 10 avril, Mediapart, en association avec le chercheur indépendant Baptiste Robert, célèbre hacker français également connu sous le pseudonyme d’Elliott Alderson, révèle comment la communauté LREM a tenté de «manipuler le traffic sur Twitter lors du premier meeting de Nathalie Loiseau». Du 29 mars au 1er avril, week-end ayant connu l’acte 20 des Gilets jaunes, le lancement de la campagne LREM pour les européennes et un mini-remaniement, l’équipe d’investigation a relevé tous les messages comportant l’un des 21 hashtags en lien avec les élections et le parti présidentiel (#LREM, #EnMarche, #JeVotele26Mai…).
Une fois ces données compilées, le chercheur a calculé un «coefficient de manipulation de trafic» grâce à un outil développé à l’Oxford Internet Institute (université d’Oxford). Résultats : celui de la communauté LREM est de 16 soit «au-dessus de la moyenne observée». A titre de comparaison, des mots-clefs banals sont associés à un coefficient compris entre 8 et 10. «On peut donc en déduire une tentative de manipulation du trafic de la part de cette communauté», explique Baptiste Robert à Mediapart. Une affirmation qui peut paraître étrange lorsqu’on se remémore Depuis l’élection présidentielle, les exemples au sein de la macronie ne manquent pas. La secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa refusant de dévoiler le ou la propriétaire du compte de soutien @Avec_Marlène, ou encore l’embarras de l’ancien conseiller spécial du président Ismaël Emelien, «Une démonstration de force»
Mediapart révèle un ensemble de comptes structurés autour de @EnsembleEMacron, décrit comme «l’un des comptes les plus actifs de la sphère macroniste» qui serait «vraisemblablement tenu par plusieurs personnes» à en croire les données de connexion recueillies. L’étude montre comment 14 des 20 comptes les plus actifs ce week-end du 29 mars appartiennent à la communauté LREM qui en comptabilise 4 626. Le samedi 30 mars en fin d’après-midi, lors du meeting de Nathalie Loiseau, les 4 626 comptes fournissent 68% des retweets alors qu’ils ne représentent que 10% des comptes recensés grâce aux hashtags. «Une démonstration de force» pour le chercheur, avec la volonté de créer un effet de masse. Il est néanmoins très difficile d’identifier les personnes se cachant derrière ces comptes. Le site d’investigation poursuit son analyse : «Cet usage des réseaux sociaux peut s’apparenter à une campagne d’astroturfing, décrit comme “le fait de simuler de manière artificielle un mouvement d’opinion en ligne”.» Romain Badouard, enseignant-chercheur à Paris II, confie à Mediapart : «Historiquement, l’intérêt des réseaux sociaux est de permettre des mouvements d’opinion spontanés. Chercher à reproduire, à simuler cette spontanéité, c’est ça l’astroturfing.» Néanmoins, il est très difficile de confondre ces vrais faux comptes. «Aujourd’hui, il existe à la fois des faux comptes administrés par des personnes réelles et des vrais comptes alimentés par des robots, ce qui rend leur détection quasi impossible», constate l’universitaire.
Source
Emmanuel Macron et ses proches n’ont pas les mains propres en ce qui concerne la diffusion de «fake news», affirme Mediapart. Le média rappelle leurs propos qui n’ont pas tenu la route.
Le Président français, qui affirme combattre les «fake news», ne cesse pourtant d’en propager lui-même, affirme Mediapart tout en rappelant les principaux «mensonges» répandus ces derniers mois par Emmanuel Macron et ses proches.
Vidéo censée excuser Alexandre Benalla
Le 19 juillet, au lendemain des premières révélations du journal Le Monde sur les agissements d’Alexandre Benalla lors de la manifestation du 1er mai à Paris, une vidéo montrant un individu très agité poursuivant un groupe d’hommes vêtus de noir, chaise à la main, a été diffusée sur les réseaux sociaux.
Fin mars, Le Monde a dévoilé que c’était Ismaël Emelien, ancien conseiller d’Emmanuel Macron, qui l’avait fait circuler en utilisant des comptes militants.
Bien que l’individu à la chaise ait été présenté comme celui immobilisé par Alexandre Benalla place de la Contrescarpe, le journal indique que la vidéo a été tournée le soir, bien après l’intervention de M. Benalla.
Le 4 avril, le site la-bas.org a par ailleurs rendu publics les résultats de son enquête, d’après lesquels l’homme à la chaise poursuivait en réalité des militants «antifas».
Perquisition dans les locaux de Mediapart
Mediapart rappelle également une «fake news» dont le média a été lui-même victime. Il s’agit des propos de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui a déclaré le 5 février que Mediapart avait refusé de remettre à la justice les enregistrements des conversations entre Alexandre Benalla et Vincent Crase. Ce qui a entraîné une tentative de perquisition dans les locaux du média.
Mediapart affirme avoir donné son accord à la réquisition de ces enregistrements, demandée par les juges d’instruction le 1er février.
Néanmoins, le 4 février, deux procureurs du parquet de Paris se sont présentés afin de procéder à une perquisition dans les locaux, et non pas pour réquisitionner les enregistrements publiés.
Selon Mediapart, cette perquisition ne visait qu’à «faire peur à tous ceux susceptibles» de parler à ses journalistes.
Un policier à l’origine de la chute d’une septuagénaire à Nice
Après que la militante Geneviève Legay a été grièvement blessée le 23 mars lors d’une manifestation des Gilets jaunes à Nice, le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre, a déclaré le 25 mars qu’il n’y avait eu «aucun contact direct entre un policier et cette dame».
Cette version a été aussi soutenue par Emmanuel Macron dans une interview accordée à Nice-Matin et publiée le 25 mars. Le Président français y a également conseillé de ne pas se rendre «dans des lieux qui sont définis comme interdits».
Néanmoins, comme l’a révélé Mediapart, un officier de police judiciaire avait indiqué dans un procès-verbal daté du 23 mars que «la septuagénaire aurait été bousculée par un homme qui portait un bouclier».
Par la suite, le procureur de Nice a reconnu qu’un policier était responsable de la chute de Mme Legay. L’agent en cause a, à son tour, exprimé des «regrets» tout en précisant qu’il avait agi dans le «strict respect des ordres».
«Manipulation» des chiffres sur les allocations chômage
Le 26 février, le premier ministre Édouard Philippe et la ministre du travail Muriel Pénicaud ont révélé des statistiques d’après lesquelles un chômeur sur cinq toucherait «une allocation chômage supérieure à la moyenne» de ses revenus lorsqu’il travaillait, indique Mediapart.
Néanmoins, ces chiffres ont été remis en cause par des experts. Mathieu Grégoire, sociologue spécialisé dans les politiques de l’emploi, a conclu sur son blog hébergé par Mediapart qu’il s’agissait d’«un artefact statistique» et d’«une manipulation assez troublante des chiffres».
Comme l’a indiqué plus tard l’Unédic, l’association gérée par les syndicats et le patronat et chargée de piloter le système d’assurance-chômage, Pôle emploi a choisi une base de calcul erronée. En réalité, toujours selon l’Unédic, 4 % seulement des allocataires reçoivent une allocation supérieure au salaire mensuel moyen qu’ils touchaient durant l’année précédant le chômage.
Mediapart estime que ces déclarations du gouvernement visaient à justifier la réforme de l’assurance-chômage.
«Ultras» et «ingérence russe» dans le mouvement des Gilets jaunes
Les déclarations sur le mouvement des Gilets jaunes faites par Emmanuel Macron le 31 janvier, lors d’une rencontre avec cinq journalistes, ne tiennent pas non plus la route.
Le Président de la République avait alors déclaré que «de 40 à 50.000 militants ultras qui veulent la destruction des institutions» étaient à l’origine des violences lors des manifestations des Gilets jaunes. Il avait aussi évoqué «le concours d’une puissance étrangère», notamment la Russie, qui, «à travers Russia Today ou Sputnik, affleure dans son discours».
Selon Mediapart, ces affirmations contredisent les informations fournies à la même période par les services de renseignement français. La DGSI avait ainsi conclu que «la scène d’ultradroite» était «quasi inexistante au sein des cortèges». Les services de renseignement avaient également indiqué que l’«ultragauche» était, de même, «impliquée de manière limitée dans un mouvement perçu comme populiste et réactionnaire».
Concernant les accusations de M. Macron à l’encontre de Moscou, le média affirme avoir recueilli des témoignages selon lesquels «la DGSI et la DGSE n’auraient toujours pas trouvé la moindre trace d’ingérence russe».
Le retour des djihadistes en France a-t-il été considéré?
Bien que le Président français ait déclaré fin février à des élus de la Région Grand Est qu’il n’y avait pas de «programme de retour des djihadistes», Mediapart remet ces affirmations en cause.
Selon le média, les services des ministères des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice travaillaient pourtant depuis l’automne 2018 au retour des djihadistes détenus par les Kurdes de Syrie.
Mediapart indique que ce programme était «tenu pour acquis» par tous ses interlocuteurs dans le cadre de cette enquête. Dans la première quinzaine de février, le Président de la République aurait bloqué ce programme.
Le chlordécone classé «cancérigène possible» par l’OMS mais pas par Macron
En se prononçant sur la dangerosité du chlordécone, utilisé jusqu’en 1993 dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, Emmanuel Macron a déclaré le 1er février aux élus d’Outre-mer qu’il ne fallait pas dire que ce pesticide était cancérigène.
«Il est établi que ce produit n’est pas bon, il y a des prévalences qui ont été reconnues scientifiquement, mais il ne faut pas aller jusqu’à dire que c’est cancérigène parce qu’on dit quelque chose qui n’est pas vrai et qu’on alimente les peurs », a-t-il soutenu.
Selon une étude publiée par Santé publique France en 2018, presque tous les Guadeloupéens et les Martiniquais sont contaminés par le chlordécone, lequel avait été classé «cancérigène possible» par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dès 1979.
Dans une lettre ouverte au chef de l’État, la députée Hélène Vainqueur-Christophe et le sénateur Victorin Lurel ont jugé «non seulement déplacé mais dangereux» d’affirmer que le chlordécone n’était pas cancérogène.
Cérémonie d’hommage au maréchal Pétain
Suite à la polémique autour de l’organisation à l’occasion des cent ans de l’Armistice d’une cérémonie d’hommage aux huit maréchaux de la Grande Guerre, dont Philippe Pétain, la ministre des Armées Florence Parly a déclaré sur BFM TV que l’état-major n’avait «jamais imaginé rendre hommage au maréchal Pétain».
Néanmoins, Mediapart indique en se référant à un dossier de presse initial de la Mission du centenaire qu’une telle cérémonie était prévue.
Plus tard, Emmanuel Macron a jugé «légitime» de rendre hommage à ces huit maréchaux de la Grande Guerre. Il a, par ailleurs, déclaré que le maréchal Pétain était un «grand soldat» en 14-18.