Les fresques de la chapelle des moines de Berzé-la-Ville (Vidéo)

La chapelle de Berzé-la-Ville, qui se trouve à quelques kilomètres de Cluny, faisait initialement partie du prieuré des moniales de Marcigny-en-Brionnais, fondé en 1055 par Hugues de Semur. Vers 1100, l’abbé récupère le domaine et c’est probablement de cette époque que datent les peintures murales, découvertes en 1887, qui font la renommée du lieu. On ignore si elles ont toutes été exécutées de son vivant, mais les documents attestent de fréquents séjours de saint Hugues à Berzé-la-Ville et son affection particulière pour ce lieu.
Les douze fresques qui décorent l’abside témoignent de l’excellence atteinte par les artistes clunisiens. Elles donnent également une idée de la qualité des œuvres disparues qui devaient orner le chœur de la Maior ecclesia ou le réfectoire de l’abbaye de Cluny à son apogée. Le programme de la chapelle des moines présente deux thèmes associés: la Traditio legis (le Christ donnant sa loi) et la donation des clés à Pierre et du livre à Paul. Le Christ inscrit dans une mandole est assis sur un coussin brodé, posé sur l’arc-en-ciel. Autour de Pierre, à droite, et de Paul, à gauche, sont rassemblés les autres apôtres, ainsi que deux saints diacres, Vincent et Laurent, et deux saints abbés clunisiens.
Les représentations des saints et des saintes occupent aussi les écoinçons et le soubassement de l’abside. Du côté Sud, l’arc aveugle relate le martyre de saint Vincent. La scène est d’une étonnante composition. Les fourches, les jambes des bourreaux et du préfet suivent des chemins presque parallèles, assez pour drainer le regard mais sans excès géométrique cependant. La perplexité des bourreaux répond au calme du supplicié: ils constatent l’inefficacité de leur action et interrogent le chef. Quelle nonchalance chez ce dernier qui, d’un seul doigt, peu vigoureux, ordonne de poursuivre. Du côté Nord, l’arc aveugle relate le cycle de saint Blaise. On le voit ici dans sa prison (d’architecture soignée): la veuve lui apporte, sur un plateau orné de pierres précieuses, la hure et les jambons du goret, devenu pourceau assez gros. Blaise accepte le présent et bénit la donatrice.
Le registre inférieur accueille le martyre du saint. Blaise est à genoux, sa tête déjà à terre, mais le bourreau, impitoyable, a relevé son glaive, prêt à frapper à nouveau.
Pourquoi ces peintures? Dans notre esprit moderne, l’art satisfait notre appétit du beau en même temps qu’il ouvre l’esprit. Pour les moines de la chapelle de Berzé-la-Ville, il y a neuf siècles, la perspective était certainement différente. La beauté d’une église, d’une chapelle, doit d’abord être un hymne à Dieu. Ce qui est beau chante les louanges du créateur; l’artisan, l’artiste glorifient Dieu par leur action. Mais la peinture, faite pour être regardée, porte enseignement. L’immense Christ doit d’abord attirer le regard, orienter la pensée, susciter la prière. Les martyrs offrent une leçon importante. Les moines du temps de Hugues ne seront probablement pas persécutés mais leur vie doit être sacrifiée avec allégresse. Une veuve offre sa richesse, une tête de pourceau: le martyr, même évêque, peut offrir sa tête aussi, comme Blaise. Et, dans l’épreuve, Vincent garde sa joie intérieure, comme Daniel dans la fosse aux lions.
Il faut signaler que saint Blaise et saint Vincent étaient très vénérés dans la région à l’époque de Cluny; l’église du village de Berzé-la-Ville leur rend hommage.

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