Le 15 janvier 1883, le prince Napoléon, cousin germain de Napoléon III, chef éphémère de la maison impériale, dit Plon-Plon pour les intimes, fit placarder dans Paris un manifeste qui lui valut d’être expulsé de France ipso facto.
Le texte s’adressait non pas à « Mes chers amis » mais « À mes concitoyens » et commençait par une phrase choc : « La France languit ». Suivait un constat impitoyable de la situation du pays, constat que l’on croirait avoir été écrit cette semaine rue de Miromesnil !
« La grande majorité de la nation est dégoûtée. Sans confiance dans le présent, elle semble attendre un avenir qu’elle ne pourra obtenir que par une résolution virile… »
« Le pouvoir exécutif est affaibli, incapable et impuissant…»
« Les Chambres sont sans direction et sans volonté… »
« Le parti au pouvoir méconnaît ses propres principes pour ne rechercher que la satisfaction des passions les moins élevées… »
« On vous a promis une République réparatrice et réformatrice. Promesse mensongère… »
« Vous assistez à des crises continuelles qui atteignent le chef de l’État, les ministres et les Chambres… »
« Des fautes avaient été commises dans le passé. Pourquoi les aggraver au lieu d’y trouver des enseignements ? »
« Exploiter le pays, ce n’est pas l’administrer… »
« Nos finances sont dilapidées… »
« Les impôts, lourds et mal répartis, sont maintenus dans un fatal esprit de routine qui met obstacle à tout progrès… »
« Il est en effet plus facile d’emprunter que de réformer… »
« Les dépenses s’accroissent sans raison… »
« La dette flottante est portée à un chiffre qui menace notre crédit à la première secousse… »
« Malgré des impôts énormes, l’équilibre du budget n’existe pas… »
« La religion, attaquée par un athéisme persécuteur, n’est pas protégée… »
« On ne peut parcourir les pays étrangers sans une tristesse profonde. Notre France, naguère si grande, n’a plus aujourd’hui ni amis ni prestige. Elle ne rencontre chez les plus bienveillants qu’une indifférence plus pénible que l’hostilité, et cependant une France forte a sa place nécessaire dans le monde. Nous ne retrouverons notre position vis-à-vis de l’étranger que par notre relèvement intérieur. Cette situation provient de l’abandon du principe de la souveraineté nationale. Tant que le peuple n’aura pas parlé, la France ne se relèvera pas… ».
Mais il ne suffit pas de constater et proclamer pour s’imposer aux Français. Le prince Napoléon restait le symbole d’un pouvoir dont les Français, à tort ou à raison (lire le livre de Philippe Séguin sur Napoléon III), ne retenaient que la catastrophe à laquelle il avait conduit le pays en 1870.
Il ne suffit pas de se draper dans le manteau du devoir en proclamant comme Plon-Plon « lorsqu’on a plus de devoirs que de droits, une abdication est une désertion », pour reconquérir le cœur des Français, proclamation qui fait étrangement écho à une plus récente, non pas placardée mais « facebookée » : « Car, au fond, ce serait une forme d’abandon que de rester spectateur de la situation dans laquelle se trouve la France, devant le délitement du débat politique…»
Plon-Plon mourut en exil à Rome. Il est vrai que sa femme était italienne…