Il faut bien distinguer une expression du vocabulaire courant de la réalité qu’elle évoque. Il existe différentes musiques adaptées aux goûts et circonstances de leur emploi. La musique a cette particularité qu’elle est le seul art qui ne peut s’affranchir des lois naturelles qui le régissent. N’importe qui est capable de reconnaître une fausse note sans avoir besoin de connaître le solfège. Et si l’on peut mettre des sculptures d’art moderne dans les jardins de Versailles, il est impossible d’obliger d’écouter de la “musique” contemporaine, moderne ou atonale. De fait, elles ne sont jamais diffusées dans les lieux publics.
La musique est une organisation de sons suivant un rythme et des harmonies. Elle doit respecter des règles dont nul compositeur ne peut s’affranchir. Mais toute partition n’est pas de la musique, ainsi les sonneries et batteries de l’ordonnance militaire sont bien notées, mais sont des signaux sonores et non de la musique, pas plus que les musiques atonales, dodécaphoniques ou sérielles ne sont de la musique puisqu’elles n’agissent pas sur nos émotions.
On écoute généralement ce qui nous plait, mais la musique est aussi un outil d’entretien du lien collectif dans les communautés et à travers les générations. La grande rupture sociétale est technologique et s’est opérée avec le microsillon qui a contribué à opérer un clivage entre les générations. Cette évolution technologique est aussi celle de l’avènement du rock qui se décline en de multiples styles caractérisés par une puissante rythmique. Accompagnant et servant de référentiel à une jeunesse en révolte qui utilise la musique, mais aussi tous les moyens à sa disposition pour provoquer (drogues, sexe, politique, occultisme…). Ces références malsaines ne signifient pas forcément que leurs musiques le soient.
Le futur pape Benoît XVI, qui est aussi musicologue, avait remarqué que « […] le peuple auquel se réfère la musique pop n’est pas le peuple, mais la société de masse. […] Aussi la culture de masse vise-t-elle à la quantité, à la production, au succès, elle est une culture du mesurable et du vendable. […] Dans la production de masse industrielle, on produit du pop comme n’importe quel produit technique dans un système totalement inhumain et dictatorial – selon l’expression de Paul Hindemith. »[1] Ces musiques modernes sont donc de séduisants produits de consommation, mais détournent l’outil musical de son rôle naturel de lien collectif pour en faire un moyen de contrôle des masses.
Thierry Bouzard – Eurolibertés
Des Chansons contre la pensée unique, édition des cimes, 2014, 332 pages.
[1] Joseph Ratzinger, L’Esprit de la musique, éd. Artège, 2011, pp 75-76.