L’auteur n’est pas connu, l’éditeur nous est inconnu, mais ce roman récemment publié mérite d’être reconnu et apprécié pour sa qualité d’écriture et l’originalité du récit.
Alexis Ruset est agrégé de lettres, haut fonctionnaire puis cadre dirigeant. Né à Nancy, il est d’origine vosgienne. Pour ce roman, l’auteur s’est beaucoup inspiré de la vie rurale dans laquelle il a baigné durant son enfance en observant les réminiscences de la vie paysanne vécue par les anciens et les récits des veillées d’autrefois. Son ouvrage m’a évoqué les romans d’Erckmann et Chatrian. Le récit est original. Il se situe dans un endroit reculé de la France profonde au début du XXe siècle, à l’entrée de la Grande Guerre.
Dieu et Satan, c’est-à-dire le bien et le mal, se côtoient et s’affrontent, comme s’opposent, dans ce coin retiré, le médecin et le rebouteux, le vétérinaire et le guérisseur, l’instituteur et le curé, l’homme fort et le cagneux… Puis, drainant la mort, la guerre arrive au cœur de ce village frontière des Hautes Vosges. Une haine sourde livre à l’ennemi l’étrange petit homme venu de l’autre versant de la montagne, c’est-à-dire de l’Alsace alors annexée, donc allemande. Laid et difforme, cet étranger au village n’était pas accepté. Seul le forgeron, haute figure au caractère bien marqué, dominant par sa force et son caractère l’assemblée des médiocres, protégeait le curieux petit bonhomme. Dans le récit, quelques belles figures de femmes aimantes et effacées émergent pourtant de ce monde rude et sans pitié. La guerre marquera la fin d’une époque, héritière des siècles d’habitudes. Des blessures dans la chair et des douleurs morales profondes naîtra pourtant une vie nouvelle. La mort n’aura pas le dernier mot et la vie renaîtra purifiée par un nouvel amour.
Bref, malgré la rudesse de certaines situations, cet ouvrage présente des pages riches de sentiments profonds, admirablement décrits. Les chapitres nous offrent des rebondissements inattendus. La haine envers un personnage qui n’est pas comme tout le monde est compensée par l’affection pudique de quelques autres. Mort où est ta victoire, car une fois de plus, malgré tout, la vie est renaissante.
Alexis Ruset, Pour que la mort ne crie pas victoire, Editions Zinedi, 2017, 216 pages, 19 euros.
Jean-Marie Cuny – Présent