« Il faut imaginer qu’un accident de type Fukushima puisse survenir en Europe ». Ce n’est pas un militant anti-nucléaire qui parle, mais Pierre-Franck Chevet, le patron de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). (…) « Je ne sais pas donner la probabilité et on fait un maximum pour éviter que ça arrive, mais malgré tout, on pose le principe que ça peut arriver », reconnaît le directeur de l’ASN dans une interview à Libération.
De son côté, EDF indiquait début mars que « le niveau de sûreté des centrales est systématiquement réévalué au regard des meilleures pratiques internationales », faisant valoir qu’il est « l’exploitant le plus audité du monde » par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). « Il faut se parer à toutes les éventualités même celles qui n’ont pas été prévues », explique l’opérateur des centrales.
(..) Impossible donc de prédire quelle centrale pourrait être un Fukushima hexagonal. Mais certains critères permettent d’évaluer la dangerosité des sites. Régulièrement montrée du doigt, la doyenne des centrales françaises, Fessenheim, (Haut-Rhin) fait partie des sites à risque : à près de 40 ans, la centrale alsacienne est située en zone sismique et en contrebas d’un canal destiné à assurer son refroidissement mais qui pourrait aussi l’engloutir en cas de débordement. « L’ASN a demandé à EDF un certain nombre d’améliorations mais quand les équipements vieillissent on ne peut pas tout renouveler, par exemple les cuves ne sont pas remplaçables, explique Bernard Laponche, consultant indépendant spécialiste du nucléaire.
(…) La ministre de l’Ecologie Ségolène Royal s’est dite prête à prolonger la durée de vie des centrales, la faisant passer de 40 à 50 ans, ce qui a provoqué la colère des écologistes. Mais l’âge des centrales n’est pas le seul critère de dangerosité. « Une vieille centrale présente a priori plus de risques qu’une récente mais une centrale comme Civaux [âgée de 19 ans] avec des bétons pourris est bien plus embêtante que Fessenheim », explique Roland Desbordes, président de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad). « La qualité de la conception d’une centrale est cruciale : les 4 derniers réacteurs construits avant l’EPR, à savoir ceux de Civaux (Vienne) et Chooz (Ardennes), ont été un échec du point de vue de la sûreté, ajoute Bernard Laponche. Il faut aussi prendre en compte la réalisation et l’exploitation des équipements : dans le cas de l’EPR [de Flamanville dans la Manche], on a des défauts dans la construction, des problèmes sur la qualité du béton et un gros souci avec la sous-traitance. » « S’il y avait la moindre inquiétude sur la sécurité d’une centrale, l’ASN ne donnerait pas à EDF l’autorisation de l’exploiter », rétorque EDF.
Les critères à prendre en compte pour évaluer la dangerosité d’une centrale sont nombreux. (…) « Il faut prendre en compte le design des centrales, le type de réacteur, son histoire, l’environnement auquel il est exposé, les risques de séismes et d’inondations, l’utilisation ou non de combustible Mox*, l’impact potentiel de l’accident selon la densité de population et les activités économiques autour de la centrale… » S’ajoute à cette équation compliquée une inconnue totalement impossible à maîtriser : le risque d’attaque terroriste contre une centrale nucléaire. « Ce sont les piscines de refroidissement ou les systèmes d’évacuation qui pourraient être facilement visés par des actes de malveillance car ils sont moins protégés que les dômes des réacteurs », estime Roland Desbordes.
*Le Mox est un combustible contenant du plutonium. Il est plus réactif et plus chaud qu’un combustible classique donc plus difficile à refroidir. C’est aussi un des éléments les plus radiotoxiques et en cas de relâchement des matières du cœur du réacteur, la présence de plutonium augmente très significativement leur toxicité. Plus de 20 centrales françaises utilisent du Mox.