Du dessin au tableau au siècle de Rembrandt, c’est à la Fondation Custodia! (Vidéo)



La Fondation Custodia nous a habitués à de remarquables expositions sur l’art flamand et hollandais. Sa nouvelle exposition, qui nous arrive de Washington où le Wall Street Journal l’a classée parmi les meilleures expositions de l’année 2016, est plus ambitieuse encore, et plus coûteuse de l’aveu même de Ger Luitjen, directeur de la Fondation. Il s’agissait de repérer parmi les collections de dessins du XVIIe siècle ceux qui avaient servi à composer des tableaux, tout ou partie. Le résultat est le fruit de dizaines d’années de travail et a demandé d’aller chercher et de réunir, outre dans les collections de la Fondation, des dessins et des tableaux dans différents musées mondiaux ou collections privées.

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Adriaen van Ostade, Paysans dansant, vers 1659. Pierre noire, plume et encre brune, 132 x 267 mm. © Hamburger Kunsthalle, Hambourg, inv. 22 304

Le résultat est aussi instructif que beau. Il démontre que les artistes nordiques ont réalisé beaucoup de leurs peintures à partir de dessins, et ce quel que soit le genre, paysages, scènes de genre, portraits. Un dessin donne un tableau ; mais aussi un détail d’un tableau, et trois ou quatre dessins se retrouvent sollicités pour composer un seul tableau.

Intérieurs
Ainsi recense-t-on six dessins pour une remarquable huile sur bois d’Adrien van Ostade, Paysans dansant dans une taverne (1659). La Fondation Custodia en a rassemblé trois autour du tableau qui provient de Saint-Louis (Missouri), deux empruntés au Rijksmuseum, le troisième à Hambourg. L’artiste étudie une composition d’un groupe, une attitude de danseur et, avec ces éléments variés pris dans des circonstances différentes, il organise son tableau, jouant des pièces de son puzzle. Cette façon de procéder pourrait aboutir à un tableau artificiel ou sans vie, mais c’est tout l’inverse. Jamais on ne surprend Van Ostade à peindre de chic, il a l’air d’avoir eu la scène sous les yeux (et nous avec lui). Quelle unité, quelle fraîcheur dans ses tableaux ! Quelle atmosphère dans ses saynètes ! Il était un spécialiste des « sujets bas », « dégoûtants », pour reprendre les termes de Jean-Baptiste Descamps qui avait les préjugés de son XVIIIe siècle sur la hiérarchie des sujets. Mais le critique concédait qu’Ostade y mettait « tant d’esprit, tant de finesse et tant de vérité, qu’on oublie que ses sujets sont dégoûtants, pour admirer son génie ».

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Adriaen van Ostade, Homme dansant, vers 1659. Pierre noire et craie blanche sur papier beige, 144 x 75 mm. © Rijksmuseum, Amsterdam, acquis grâce au support du Fonds F. G. Waller, de la Belport Familienstiftung et à une contribution du Legs de J. A. Z. comte de Regteren Limpurg, inv. RP−T−1981−237

Adrien van Ostade était un élève de Franz Hals, et lui-même eut pour élève Cornelis Bega. Mort de la peste à 32 ans après avoir été chassé de la maison paternelle pour libertinage (nous dit Descamps), Bega a néanmoins laissé une œuvre abondante. Son Alchimiste (vers 1663, Washington) tisonne sous une cornue, un soufflet sur les genoux, dans un capharnaüm de vieux livres et de vaisselle. Manifestement, il n’a pas encore trouvé la pierre philosophale. Et l’on comprend, grâce au dessin apposé, que l’idée est venue d’un croquis réalisé à la maison ou dans une auberge, d’un homme qui tisonnait, et dont le peintre a tiré une histoire. Peut-être est-elle là, la réelle alchimie, celle du peintre qui, par une opération mystérieuse, transforme son dessin en peinture.

A l’extérieur
Quittons les scènes de genre, prenons l’air. Nous retrouvons la même façon de faire, d’après dessins, chez Ruisdael, Van Cuyp et leurs confrères paysagistes. Abraham Bloemaert, pour peindre une vue pittoresque (musée de Hambourg), utilise cinq dessins recensés, dont on voit l’un, une ferme en ruine. Bartholomeus Breenbergh peint une petite scène biblique sur cuivre : Le Prophète Elie et la veuve Sarepta dans un paysage (vers 1630). Le peintre nous emmène aux abords de la ville de Sarepta, ville phénicienne entre Sidon et Tyr, or celle-ci est figurée par un amas pittoresque de constructions qui n’est autre que… la Porta del Popolo telle que l’avait dessinée l’artiste à Rome quelques années plus tôt.

Hendrick Avercamp, pour peindre sa Scène hivernale à l’extérieur des murs de Kampen (huile sur panneau, vers 1614), utilise une vue de Kampen, et deux dessins de personnages. Pour une si grande scène de patinage – il y en a qui ont davantage de charme, mais elle est réussie tout de même – Avercamp a dû utiliser bien d’autres dessins.

Là encore, quel œil avaient ces peintres qui rapportaient et entassaient des dessins faits dehors et qu’ils réutilisaient ensuite pour peindre des tableaux où la vie, celle des arbres et des nuages, des eaux et des fabriques, ne fait jamais défaut, ni la profonde cohérence du tableau. Les dessins étaient dans les cartons – et les couleurs, les lumières et les émotions qui y étaient liées, dans leur mémoire, prêtes à l’emploi.

Du dessin au tableau au siècle de Rembrandt. Jusqu’au 7 mai 2017, Fondation Custodia,

Parallèlement se déroule une seconde exposition : La quête de la ligne, trois siècles de dessins en Allemagne, qui présente une centaine de feuilles tirées de la collection de l’historien d’art allemand Hinrich Sieveking.

121 rue de Lille
75007 Paris
tél.: 0033.(0)1.47.05.75.19
fax: 0033.(0)1.45.55.65.35
e-mail: [email protected]

Transports
Métro : Assemblée Nationale (ligne 12)
Bus: 63, 73, 83, 84, 94, arrêt Assemblée Nationale
Les expositions Du dessin au tableau au siècle de Rembrandt et La Quête de la ligne. Trois siècles de dessin en Allemagne sont ouvertes, sans réservation, tous les jours sauf le lundi, de 12h à 18h.

Saison nordique

L’exposition de la Fondation Custodia donne le ton de la saison, qui sera nordique au Louvre : « Vermeer et les maîtres de la peinture de genre » et « Chefs-d’œuvre de la collection Leiden : le siècle de Rembrandt » ouvrent le 22 février au Louvre, puis « Dessiner le quotidien : la Hollande au Siècle d’or » (à partir du 16 mars, en partenariat avec les Beaux-Arts de Paris).

Tableau en Une Adriaen van Ostade, Paysans dansant dans une taverne, 1659.
Huile sur panneau, 44,1 x 60,3 cm.
© Saint Louis Art Museum, Saint-Louis, Fonds des Amis du musée, inv. 147.1966

Samuel Martin – Présent

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