Lu ailleurs / Elsa Schiaparelli : L’univers flamboyant d’une créatrice

 

Valeurs actuelles

Par Noëlle Joly

 Les oeuvres d’Elsa Schiaparelli reflètent toute l’effervescence des années 1930. La collection personnelle de cette grande dame de la mode a été dispersée à Paris, chez Christie’s, le 23 janvier.

Fille d’un égyptologue, Elsa Schiaparelli, née à Rome le 10 septembre 1890, ouvre sa première boutique parisienne en 1927. Inspirée par l’esprit des surréalistes, elle se plaît à détourner les objets de leur fonction première, changeant en chapeau un escarpin, inventant le rose shocking à l’intensité électrisante ; elle lance en 1937 le parfum du même nom, dont le flacon, dessiné par Leonor Fini, évoque la silhouette plantureuse de l’actrice Mae West, qui fait alors figure de sex-symbol.

Au coeur de l’avant-garde, “Schiap” se lie d’amitié avec les artistes en vue de l’époque, de Salvador Dalí à Man Ray en passant par Jean Cocteau et Christian Bérard… Beaucoup deviennent ses collaborateurs. Jean-Michel Frank et Alberto Giacometti dessineront les meubles et accessoires de ses différents domiciles parisiens et de sa maison de couture de la place Vendôme.

Sa collection, qui mêle arts décoratifs, tableaux, photographies et pièces de mode, reflète ses amitiés. Lot phare de la vente, un lampadaire en bronze, à motif de tête de jeune femme, créé par Alberto Giacometti pour Jean-Michel Frank, vers 1935-1937. Estimé entre 60000 et 80 000 euros, il a été adjugé 169 000. C’est l’une des toutes premières versions de ce modèle — ses proportions seront légèrement modifiées par la suite afin d’améliorer sa stabilité.

Leonor Fini réalisa pour Schiaparelli divers motifs de tapis, de papiers peints, ainsi que des illustrations pour Vogue et Harper’s Bazaar. Vers la fin des années 1930, elle s’intéresse de plus en plus au portrait, qui deviendra son genre de prédilection, et peint notamment celui de “Gogo”, fille unique d’Elsa, vêtue d’une longue jupe rayée, la taille enserrée dans une haute ceinture rouge. Signé et daté 1936, ce Portrait de Gogo Schiaparelli, à la sobre palette de tons sourds, estimé 30 000 à 50 000 euros, a été vendu 37 000.

La collection comptait aussi de beaux portraits photographiques de “Schiap”, dont une dizaine par Man Ray. Au nombre de ces tirages, une étude solarisée, Elsa Schiaparelli, vers 1928-1930, choisie pour illustrer son autobiographie Shocking Life, évaluée entre 10 000 et 12 000 euros, s’est vendue 34 600. Parmi les vêtements, l’une des pièces les plus célèbres de la couturière, un chemisier en soie violette sur le thème de l’astrologie, annoncé de 25 000 à 30 000 euros, est parti à 31 000.

Moment clef de l’oeuvre de Schiaparelli, cette collection, lancée en 1939, illustre son intérêt pour le zodiaque, intérêt né au contact de son oncle, l’astronome Giovanni Schiaparelli, “découvreur” des canaux martiens, avec qui elle passa de longs moments à observer le ciel au télescope. La collection était composée de vêtements étincelants d’étoiles de verre diamanté, adoptés par des stars de Hollywood comme Marlene Dietrich. Autre pièce maîtresse, le gilet Bucking Bronco, évalué entre 10 000 et 12 000 euros et adjugé 27 400. Né à la suite d’un voyage au Texas en 1940, sorti des ateliers de la maison Lesage, il est brodé de dessins de chevaux de rodéo couleur cuivre sur fond de perles blanches.

D’autres lots étaient accessibles à moindres frais : trois ceintures en soie noire, turquoise et violette, datant de 1940, estimées entre 1 000 et 2 000 euros et emportées pour 3 125.

L’adjudication la plus retentissante a été prononcée sur une paire de léopards en marbre, à 385 000 euros. Créés en Italie, probablement au XXe siècle, cet ensemble de style naturaliste avait été évalué 1 500 euros seulement.

Related Articles