Un des hommes les plus puissants au monde est mort, discrètement, le 7 janvier dernier. Pour lui, pas de funérailles nationales, pas de rétrospectives 24 heures sur 24 dans les médias, pas de « une » des journaux sinon peut-être dans son pays de naissance. Pourtant, l’Irlandais Peter Sutherland a certainement fait davantage pour modifier le cours de l’histoire qu’un Johnny, une Simone Veil ou un Helmut Kohl. Sa carrière nationale a été éclipsée par ce qu’il faut bien appeler son œuvre globale et même globaliste : on peine à trouver un haut lieu du mondialisme où il n’a pas joué un rôle de premier rang. La globalisation, c’est lui, de manière éminente.
Peter Sutherland, 71 ans, est peut-être un exemple type de ce que peuvent devenir des « vertus chrétiennes devenues folles ». Ses nécrologies dans la presse irlandaise le présentent comme « catholique dévot », avec un « instinct pour la charité et le bénévolat ». Sa santé s’était détériorée après qu’il eut subi un arrêt cardiaque à Londres en septembre 2016 alors qu’il se rendait à la messe au Brompton Oratory – haut-lieu des messes traditionnelles de la capitale britannique, dans la forme extraordinaire et dans une version solennelle et en latin selon les horaires. Sans vouloir sonder les reins et les cœurs il est difficile de ne pas opposer cette foi pratiquante à l’action qu’il a systématiquement menée pour le libre-échangisme mondial au sein des instances officielles et de groupes comme les Bilderberg, et de la commission Trilatérale dont il était toujours le président d’honneur.
La mort de Peter Sutherland, catholique et mondialiste
Que Dieu l’ait donc dans en sa miséricorde – mais cela n’empêche pas de rappeler en quelques mots la nocivité de son action pour les souverainetés nationales.
Peter Sutherland a commencé sa vie comme juriste et avocat avant de tenter l’aventure de la politique au sein du Fine Gael dans son pays d’origine. N’ayant pas réussi à se faire élire aux élections législatives de 1973, il a occupé pendant quelques années le poste de ministre de la justice, période pendant laquelle il s’est inquiété de la rédaction du huitième amendement de la constitution irlandaise qu’il jugeait trop imprécise et capable d’ouvrir une porte un jour à la légalisation de l’avortement – c’est cet amendement qui va faire prochainement l’objet d’un référendum pour en finir avec l’affirmation constitutionnelle du respect de la vie en Irlande.
En 1984, c’est le tournant : Sutherland est nommé commissaire de l’Irlande pour la CEE. A partir de là, son action s’est portée sur la très grande industrie, la libéralisation mondiale du commerce et l’agitation immigrationniste.
GATT, OMC, UE, ONU, Davos… la globalisation tous azimuts
Au cours des années 1990 Peter Sutherland a d’abord été le pivot du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), devenu depuis lors l’Organisation mondiale du commerce, dont il fut le directeur général. Et où, à la grande satisfaction des néo-libéraux et des libres-échangistes les plus extrêmes il a fait beaucoup pour faire avancer les discussions dites de l’Uruguay Round, et baisser les droits sur l’agriculture, les textiles, les services et tant d’autres biens soumis à la concurrence mondiale disparate. C’est de cette époque que date la lente imposition de la Chine comme atelier du monde avec les conséquences que l’on sait pour les marchés de l’emploi de bien des pays développés. Chose dont nous continuons de payer le prix, tandis que la Chine communiste prétend désormais mener le monde en tant que première puissance économique.
Il rédigea également le Rapport Sutherland pour le gouvernement portugais en vue de la remise de Macao à la Chine en janvier 2000.
On le retrouve encore à la tête, en tant que préside honoraire, du Transatlantic Policy Network, l’une des principales organisations de promotion le Traité transatlantique (TTIP), mort-né par la grâce de Donald Trump…
D’aucuns l’ont qualifié, non sans raison, de « père de la globalisation ». A titre personnel, il a joué un rôle dans des entreprises majeures sur le plan multinational : membre du conseil de British Petroleum, il a même été président de Goldman Sachs International.
Peter Sutherland a dès le début fréquenté le Forum économique mondial dont le fondateur, Klaus Schwab, a voulu le saluer comme l’un de ses « mentors » après son décès. Dans son hommage, Schwab se dit, avec le Forum, son obligé quant au poids qu’a pu acquérir le rendez-vous de Davos « dans les affaires globales ».
Peter Sutherland immigrationniste jusqu’à sa mort
Champion de l’intégration européenne, Peter Sutherland a également œuvré pour le multiculturalisme et l’ouverture des frontières de l’UE à toute la misère du monde. En tant représentant spécial des Nations unies pour les migrations, le haut poste qu’il a occupé jusqu’en mars 2017, et membre de nombreux autres groupements internationaux pour les migrations, il n’a jamais caché son désir de voir les nations perdre leur sens de l’identité nationale. En 2012, il le dit très ouvertement : selon lui, l’Union européenne devait faire « tout ce qui était en son pouvoir pour saper » le sens de « l’homogénéité » nationale au Royaume-Uni et en Europe afin de permettre à l’avènement d’« Etats multiculturels », prêt à accueillir davantage d’étrangers comme le font les Etats-Unis, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande qui sont des « sociétés de migration ».
Il tirait argument de la dénatalité pour promouvoir l’Etat multiculturel, affirmant que l’UE devait favoriser la migration de masse « pour difficile que ce soit de l’expliquer aux citoyens ».
Et c’est en octobre 2015, alors que l’Europe était soumise un véritable tsunami migratoire, qu’il est revenu à la charge pour déclarer que les pays occidentaux ont un « devoir légal » accueillir les migrants, parce que la souveraineté des nations est une « illusion ».
Contre la souveraineté, Peter Sutherland était partout
Dans un entretien au centre de presse de l’ONU, Sutherland livrait alors son message aux gouvernants : « Je demanderai aux gouvernements de coopérer, de reconnaître que la souveraineté est une illusion – que la souveraineté est une illusion absolue qui doit être abandonnée. Le temps où les pays se cachaient derrière des frontières et des clôtures est révolu. Nous devons travailler ensemble et coopérer ensemble pour faire advenir un monde meilleur. Et cela implique que nous mettions en cause certains vieux préjugés, que nous mettions en cause des souvenirs historiques et des images de notre propre pays, et que nous reconnaissions que nous faisons partie de l’humanité. »
On lui attribue d’avoir dit un jour que l’opposition à la poursuite de la globalisation était « moralement indéfendable ». A l’heure où l’on peut violer tous les dix commandements ensemble et même espérer trouver quelque justification en haut lieu au nom des difficultés et des circonstances de la vie, c’est donc là que se niche le sens moral, l’idée qu’il existe un mal absolu et peut-être même impardonnable. Le mondialisme est bien une nouvelle religion !