Strictly Criminal est un excellent film policier à l’ancienne, dans le sous-genre du film de gangsters. Détail agaçant, le titre de distribution en France, strictement criminel, est encore une fausse traduction du titre anglais Black Mass. Il est vrai qu’en français Messe noire ferait penser immédiatement à un film d’horreur traitant de quelque secte satanique, ce qui n’est pas du tout le cas, le titre anglais renvoyant à l’assistance régulière à la messe du chef de la bande de criminels dont il est question.
Strictly Criminal décrit l’ascension et la chute d’un chef de bande à Boston, l’action se déroulant sur une vingtaine d’années, à partir du milieu des années 1970. Cette intrigue est fondée sur des faits réels, à savoir le destin surprenant de James Whitey Bulgar, arrêté récemment après une longue cavale. L’homme avait bénéficié de la complaisance du FBI, via le détournement à son profit d’un programme légal de protection des informateurs de la police, et voyait régulièrement son frère, sénateur puis directeur d’université.
Strictly Criminal décrit tout l’environnement de James Whitey Bulgar, parti de la petite délinquance de rue, d’un quartier traditionnel irlandais du sud de Boston. Les personnages centraux sont une dizaine, et forment à eux tous une fresque cohérente. De nombreux aspects présentent un réel intérêt, dont le rappel de la complexité du système judiciaire américain, qui propose aux bandits de coopérer – ou non – avec la justice, et de se reconnaître ou non coupables. Plus efficace que le système français, il comporte néanmoins ses failles, dont a su jouer l’habile James Whitey Bulgar. Sa démesure finira par le perdre, car, si un petit délinquant peut éventuellement se jouer durant des années du FBI, celui-ci ne peut laisser un baron du crime faire de même. Le portrait de Bulgar réussit à restituer sa complexité : criminel, violent, meurtrier, il se veut aussi bon fils, mari, père, frère, ami, croyant et patriote (irlandais) – il a livré des armes à l’IRA.
La grande réussite de Strictly Criminal réside dans la reconstitution de tout un univers bostonien disparu. Si on ne regrette pas semblable monde, ce qui a suivi n’est pas forcément meilleur.