Le mystère de la fosse Dionne (Vidéo)

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La Fosse Dionne n’a cessé d’intriguer au cours des siècles et présentait trois mystères, -selon M. Marcel MEUNIER, ancien président de la Société d’Etudes d’Avallon, auteur d’une savante étude hydrologique consacrée à l’antique « fons divonaa »-((122).. Quelle est la provenance de ses eaux ? Quelle est la raison d’un exutoire de forme curieuse et enfin, (ajoute plaisamment M. MEUNIER), l’existence d’un basilic est-elle une fable ou une réalité ?….

Il n’est d’ailleurs pas certain que toutes les réponses puissent être apportées aujourd’hui, du moins à la première question posée. Pour l’essentiel, déjà au début de ce siècle, Camille ROUYER avait révélé la véritable nature de la source : «« La Fosse Dionne a toutes les apparences d’une source vauclusienne issue de la nappe profonde…. dont le débit augmente très rapidement à la suite d’une forte pluviosité… Elle est en rapport avec d’importantes fissures du sol et l’abondance de son débit paraît liée au voisinage du calcaire séquanien, traversé par de larges diaclases »»(13)

En outre, selon un rapport du B.R.G.M. établi à la suite de travaux de détection engagés vers 1970, il existerait un passage souterrain entre une perte de la Laigne, petite rivière de la Côte-d’Or, et notre Fosse Dionne..

Marcel MEUNIER ajoute qu’en regardant cette fontaine «« on éprouve une certaine appréhension. On est craintif, inquiet même et la raison de cet état d’esprit tient probablement à l’aspect glauquee (nous dirons bleuté)) de cet orifice de sortie ».. Sans aller jusque là, il faut néanmoins convenir que la source provoque une curiosité extrême, d’ailleurs partagée par plusieurs adeptes des investigations spéléologiques qui se sont efforcés d’en percer le mystère..

Malheureusement, plusieurs de ces expéditions se soldèrent par des drames. Témoin, la mort de deux chercheurs, le 15 juillet 1962, par hydrocution ou résultant de la présence d’oxyde de carbone dans les bouteilles de plongée. Nouvelle tragédie en 1996, puisqu’en juin de cette année M. PEREZ trouvait la mort à -38 m, au-delà de la limite autorisée, au seuil de la première étroituree(14)

Charles PATRIAT, dans un article de « l’Echo du Tonnerrois » publié en 1894, déplore qu’on aitt «parfois estropié fâcheusement le nom de la Fosse Dionne, en l’orthographiant Fosse-d’Yonne ». Ill fait référence, dans une note manuscrite (in fine), à la mythologie grecque en rappelant que «« Dionée était une nymphe, fille de l’Océan et de Téthys. Elle fut au nombre des concubines de Jupiter qui eut d’elle Vénus, surnommée « Dionée » du nom de sa mère ».. Toutefois, l’étymologie ne lui semble pas poser de problème particulier : la Fosse Dionne est la « Fons Divona » ou source sacrée, toponyme rencontré en d’autres régions sous des formes apparentéess

Le rapport entre le nom de notre département et le toponyme de la « Fosse Dionne » n’étant que purement phonétique, il faut rechercher ailleurs les éléments d’identification de l’appellation de ce site. Jean FROMAGEOT, (et avec lui Marcel MEUNIER), pensee «pouvoir expliquer le vocable a Dionne » en y reconnaissant une contraction du mot «Divonne» ou «Divona ». Notre source ne serait donc qu’une «  Fons Divona », dédiée à la divinité celtique des eaux »» (op. déjà cité)..

L’abbé PATRIAT précise que le tronc informe d’une statue fut trouvé dans la Fosse Dionne, en 1731. Etait-ce un débris de la divinité topique de ces eauxx « du genius loci, vénéré d’abord par les Gaulois indépendants, puis longtemps après par leurs descendants » ?? Georges DOTTIN, auteur d’un livre réputé sur la langue gauloise fait dériver le vocable « Divona » de l’irlandais « dia » : « déesse »»(16)

Ernest NÈGRE (op. déjà cité – art. 2110) indique que « Divona » est un toponyme gaulois exprimant l’idée de « source sacrée », rencontré ailleurs sous une forme analogue, telle la célèbre station thermale de Divonne-les-Bains, dans le département de l’Ain. D’ARBOIS de JUBAINVILLE note que la forme « Divonna » est due à l’influence romaine qui a remplacé le son « ei » gaulois par le « i » du latin. Il faut donc rétablir la forme exacte et lire « Devona »»(I7)

Nous sommes à la Fosse Dionne de Tonnerre réellement en présence d’un « culte des eaux » expression que dénonçait le folkloriste français Arnold VAN GENNEP tant elle lui semblait être utilisée sans discrimination, mélangeant les croyances et pratiques magico-religieuses (qu’il qualifiait de culte organisé) à celles s’attachant à la divinisation d’une source ou d’une rivière. Tout aussi prudent, Pierre SAINTYVES utilisait le terme dee «folklore des eaux pour englober non seulement les croyances et les rites, mais aussi les légendes, en un mot toutes les traditions relatives aux eaux »»(18)

SAINTYVES estimait que «« le peuple, chez les anciens, avait une vague idée du cycle des eaux, mais pratiquement, il donnait toute son attention aux eaux qui l’entouraient : aux sources et aux fontaines où il puisait ; aux étangs, aux lacs, aux rivières et aux fleuves où il pêchait; aux mers où il naviguait… Il attribuait à toutes ces eaux non seulement une individualité distincte, mais une quasi personnalité. Les conteurs et les poètes travaillèrent avec lui à les animer, à les doter d’une vie propre et d’une énergie particulière. Ainsi naquirent les esprits et les divinités des eaux… »» (ouvrage déjà cité, voir note 18)

Il rappelle la lutte de l’Eglise contre le culte des eaux. Nous avons évoqué dans la première partie de notre étude les interdits, défenses et autres anathèmes qui furent prononcés, depuis le Ve siècle contre les pratiques païennes qui s’exerçaient en faveur des arbres sacrés, sources et autres roches. Les décrets des divers Conciles, et notamment celui d’Auxerre, tenu en 578, n’eurent pas toujours, immédiatement, les succès escomptés..

CHARLEMAGNE s’en mêla personnellement, s’élevant, dans ses capitulaires, contre les superstitions. Il dénonce les «« insensés qui vont allumer des chandelles et pratiquer d’autres superstitions près des arbres, des pierres et des fontainess »(18bis) ..

Mais s’il est vrai qu’on peut brûler des idoles, abattre des arbres et détruire des roches, il en va tout autrement d’une source pratiquement impossible à combler et qui ne manque pas de réapparaître en quelqu’autre endroit… Dans l’impossibilité d’annihiler cette force naturelle pour en supprimer les croyances, l’Eglise composa et, le temps aidant, christianisa ces cultes vernaculaires en substituant les saints aux divinités topiques..

Notes

(12) Marcel MEUNIER – « La Fosse Dionne et les fontaines de Tonnerre, étude hydrologique» – Préface de Jean FROMAGEOT, Président de la S.A.H.T..

(13) Camille ROUYER – « Origine géologique de la Fosse-Dionne, à Tonnerre et des sources voisines » – Bulletin de la Société des Sciences de l’Yonne – pp. 177-184 + 1 carte – Année 1908 – 62e volume – 2e semestre – Auxerre – 1909..

(14)) Article non signé du quotidien départemental « L’Yonne Républicaine » : « La noyade du spéléologue de la Fosse Dionne serait due à la fatigue » – Edition du Lundi 24 juin 1996 – p. 3..

d° – « Fosse Dionne, Tonnerre, Yonne » – Document de cinq pages ronéotypées, délivrées par l’Office du Tourisme de la ville de Tonnerre..

(15) Charles PATRIAT – « La Fosse-Dionne » – Article publié dans le journal « l’Echo du Tonnerrois », livraison du 24 août 1894..

(16) Georges DOTTIN – « La langue gauloise, grammaire, texte et glossaire » – pp. 43 & 89 – SLATKINE REPRINTS – Genève, Paris – 1985..

(17) Claudius VAILLAT – « Culte des sources dans la Gaule antique, seconde partie : les origines préromaines du culte des sources en Gaule » – pp. 103-104 – article « Divona » – Ernest LEROUX – 1932 – Bibliothèque Nationale : 8-53631..

(18) C. LEROY – Revue du Folklore Français – « L’enquête sur le folklore des eaux » – JAN-MAR 1937 – 8e année – n° 1, pp. 2-7 – Bibliothèque Nationale n° 1264..

(18bis)) Le Bourguignon – « Causerie sur le vieux temps ; les fontaines merveilleuses » – article sur deux colonnes, signé « Un Vieux Bourguignon » – édition du 23 avril 1899..

d°- Référence citée par Claudius VAILLAT : « Capit. t. I, p. 5, LIV, X, titre 64 »..

 

 

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