Plus que d’ordinaire encore, le « 13 heures » de France 2 de ce dimanche 9 octobre a viré à la farce. Après avoir interrogé la comédienne Carole Bouquet sur la guerre dans le monde, le sort des réfugiés et le sexisme de Donald Trump, Laurent Delahousse a doublé la mauvaise plaisanterie d’un débat fictif au cours duquel sept comédiens ont incarné, joué, mimé les sept candidats aux primaires de la droite et du centre. À la manière du show américain « Saturday Night Live » du 1er octobre dernier où deux acteurs avaient détourné le premier duel télévisé entre Donald Trump et Hillary Clinton, France 2 a manifestement cherché à dramatiser notre scène politique – pourtant suffisamment théâtrale. À la différence près que la pièce s’est jouée cette fois-ci avant même que le débat des primaires n’ait eu lieu. Car notre vie politique est si prévisible que la première chaîne publique n’a pas hésité à en prémâcher dialogues et monologues, envolées rhétoriques, piques assassines, répliques empoisonnées.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce naufrage journalistique : complaire au narcissisme de Franz-Olivier Giesbert, qui fut le seul à jouer son propre rôle, présidant cette joute oratoire tel un monarque amusé ?
Remplir le vide abyssal de l’analyse politique en égayant le badaud, heureux de reconnaître telle ou telle mimique de Nicolas Sarkozy ou de François Fillon ?
Ou, plus gravement peut-être, nous rendre épique la scène du grand combat afin de l’espérer comme on espère la sortie d’un blockbuster ? Les dirigeants de France Télévisions voudraient nous faire tous aller voter aux primaires qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Nous avons eu droit à tout – programmes, mots d’esprit, hommes de l’ombre, coulisses.
Une semaine après avoir interrogé longuement le ministre Najat Vallaud-Belkacem sur sa sensibilité de femme mais pas une seule fois sur l’Éducation nationale, Laurent Delahousse convie des acteurs pour les faire parler politique. Sur le plateau du « 13 heures », les comédiens dissertent de l’avenir du monde et les ministres de leurs émois.
Ce petit carnaval est en réalité fort utile aux candidats, devenus soudain aussi sympathiques et accessibles que des figures familières de « Plus belle la vie ».
La recette de France 2 pourrait s’avérer payante : faire que les acteurs jouent les politiciens pour nous faire oublier que les politiciens sont des acteurs.