Pour bien comprendre les raisons de la manifestation du samedi 10 octobre contre la réforme du collège, il faut d’abord considérer quels sont les opposants à la réforme et quels sont ses partisans. Ensuite, récapituler les principales critiques à son encontre. Les opposants comptent la plupart des organisations syndicales des personnels enseignants, mais aussi diverses associations disciplinaires ou professionnelles, et des groupes formés sur Facebook. L’UNI, organisation étudiante de droite, et le Parti de gauche appellent aussi à se joindre à la manifestation. De nombreux intellectuels, universitaires et académiciens, ces « pseudo-intellectuels », ont eux aussi dénoncé cette réforme. « Attelage baroque », se moque le secrétaire général d’un syndicat minoritaire. Mais cette coalition prouve que l’opposition dépasse largement les clivages politiques ou les revendications corporatives : elle n’en est que plus solide, comparable à celle qui avait conduit, en l’an 2000, à l’éviction de Claude Allègre, ministre socialiste de l’Éducation nationale. Le mécontentement fut tel, à cette époque, qu’il n’est pas étranger au score minable du candidat Jospin au premier tour de l’élection présidentielle de 2002.
Malgré les divergences qu’elles peuvent avoir sur les mesures propres à améliorer le collège unique, toutes ces organisations, toutes ces personnalités défendent solidairement le savoir, qui passe par les enseignements disciplinaires. Elles défendent aussi les langues anciennes, les classes bilangues, menacées de disparition, quoi qu’en dise l’ancienne porte-parole du gouvernement, devenue en cette circonstance la reine de la désinformation.
Enfin – et ce n’est pas le moins grave -, cette réforme accentue l’autonomie et, donc, la disparité entre les établissements. Certes, les inégalités existent déjà : on n’enseigne pas de la même façon au lycée Henri-IV à Paris et dans le lycée de banlieue d’un quartier défavorisé. Mais au lieu de chercher à y remédier, au lieu de chercher à tirer le maximum d’élèves vers le haut, quel que soit leur milieu d’origine, les idéologues du ministère tuent l’excellence dont ils ont horreur et ne donnent comme perspective à la majorité des élèves que la médiocrité.
Du côté des parents d’élèves, les fédérations, avec plus ou moins de complaisance, voire de connivence, approuvent la réforme. Mais la base est rebelle et exprime ses inquiétudes, pour peu qu’elle soit objectivement informée. L’enseignement catholique, lui-même, soutient cette réforme, croyant sans doute trouver plus de liberté dans l’autonomie des établissements, jusqu’à l’association de parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL), étrange complice du ministère, qui se fait contester par des parents de plus en plus nombreux.
La situation est pire que l’on ne peut l’imaginer. L’opposition de droite, sauf exception, ne s’intéresse guère à l’enseignement. Récemment, Alain Juppé a déclaré que la réforme du collège n’était pas sa priorité. Et pour cause ! C’est la même philosophie, les mêmes orientations qui ont inspiré les réformes sous le précédent quinquennat : l’obéissance aux directives européennes, la priorité donnée aux compétences sur les connaissances – alors que les deux sont intimement liées – , le mépris pour la culture, l’idolâtrie d’un utilitarisme à courte vue. On ne sait encore quelle sera la mobilisation ce 10 octobre. Mais, quelle qu’elle soit, ce sera un nouveau coup de semonce avant le recours à la dernière arme : le bulletin de vote.
Najat, souviens-toi de Claude Allègre !