Le père Laurent Stalla-Bourdillon, directeur du Service pour les professionnels de l’information, explique :
Nous sommes partis d’un constat. Dans un monde où les médias, par l’effet de masse et par le poids croissant des technologies de l’information, façonnent la représentation que le public se fait des religions et des questions spirituelles, l’Église se doit de trouver les occasions d’un dialogue avec eux. L’idée est d’accompagner ceux qui ont la responsabilité d’informer leurs concitoyens, afin qu’ils puissent atteindre la juste signification des évènements religieux et spirituels dont ils se font le relais. Or, si l’expression qu’ils en donnent n’est pas juste, c’est souvent parce que les médias ne connaissent pas bien ces réalités spirituelles et religieuses qui relèvent de l’anthropologie pour les premières, et de traditions religieuses pour les secondes. Il s’agit ici de réintégrer les questions spirituelles dans leur champ de pensée, car il n’existe pas de société sans faits religieux.
Comment toucher ce monde médiatique qui connaît mal l’Église ?
En faisant connaître ce service, dans la durée. C’est un travail de longue haleine de faire découvrir à l’univers des médias, des rédactions, des écoles de journalisme, cette entité qui leur est dédiée. Avec une petite équipe, nous allons procéder de différentes façons : en provoquant des rencontres individuelles avec des journalistes et en initiant des réflexions et des échanges communs sur l’activité du monde des médias. Car deux grands sujets nous occupent : le traitement média¬tique des questions spirituelles et religieuses, mais également la question de l’irruption des nouvelles technologies de l’information. Ces dernières ont bouleversé la vie et l’activité médiatique en tant que telle. Personne ne sait à quoi ressembleront les médias dans dix ans. Comment accompagner ces médias, afin d’analyser et de réfléchir avec eux sur l’impact de ces nouvelles technologies sur leur métier et sur la société ? Comment les aider à prendre conscience de la responsabilité qui est la leur ?
Comment expliquez-vous cette méfiance qui persiste au sein de l’Église vis-à-vis du monde médiatique ?
Sans doute parce qu’il y a un jeu de concurrence de paroles. Un rapport de forces existe dans lequel l’Église a longtemps dominé en vertu de la « Parole divine révélée ». Aujourd’hui, ce rapport s’est inversé. L’univers médiatique semble exercer un vrai « magistère de vérité » sur la société. Il est assez défavorable à l’Église.
Nous n’avons plus la maîtrise de ce que l’opinion pense de nous, car l’information qu’elle reçoit ne vient pas de nous. Dans le même temps, le monde médiatique, sans en avoir conscience, est en train de saper sa propre autorité. Pourquoi ? Parce que le phénomène de simplification qui lui est constitutif – les médias ne peuvent exister sans simplifier et divertir – génère les conditions mêmes qui font que l’opinion décroche. Car à trop vouloir simplifier, on oublie que l’opinion commune reste attachée à la possibilité de concevoir la complexité du monde. Ainsi, il y a beaucoup plus dans une religion que ce que les médias en disent, qui trop souvent la réduisent à des codes vestimentaires, alimentaires et sociaux. Nous devons tous avoir une grande considération pour le travail des journalistes et aussi pour les difficultés qui sont les leurs. À nous d’aider ceux qui le souhaitent à percevoir la complexité et la beauté de la foi.