Marianne, histoire, peut-être, de nous distraire en pleine torpeur estivale, vient de révéler une affaire avignonnaise dans laquelle Christophe Castaner fut, autrefois, impliqué. Nous sommes en 1995, en pleine campagne pour les élections municipales. Le futur ministre de l’Intérieur est alors secrétaire général adjoint (aujourd’hui, on dit « directeur général adjoint des services ») du maire socialiste de la cité des Papes, un certain Guy Ravier (rien à voir avec l’actuel sénateur RN des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier !).
Pour dézinguer la candidate RPR à la mairie, Marie-Josée Roig, que Chirac nommera ministre en 2004, une petite équipe, proche du maire, réalise une bande dessinée, pastiche du Canard enchaîné, intitulée La Dinde enchaînée. En couverture, on y voit une femme enchaînée, que l’on devine être Marie-Josée Roig, en porte-jarretelles, affublée d’un bec, et qui se fait – comment dire ? – prendre par derrière par un homme, laissant couler de son bec, non pas un fromage, mais une bave libidineuse. L’homme ? Il s’agit d’Alain Dufaut, aujourd’hui sénateur LR de Vaucluse. Dans cet opuscule, la candidate à la mairie d’Avignon y était surnommée « Goosy-Goosy ». En titre : « Érections municipales – Duf-Duf déclare : Goosy-Goosy est une Marie-couche-toi-là. » Que du meilleur goût. À côté, le tweet de Jean-Yves Narquin sur Marlène Schiappa, c’est Fripounet et Marisette. Mais à l’époque, l’humanité tout entière vivait encore dans le plus grand désordre car on n’avait pas encore inventé Marlène Schiappa. La « BD » – une dizaine de pages, s’il vous plaît, en couleur – devait inonder la ville : 35.000 exemplaires…
Le dessinateur et le maquettiste, pour se défendre – car l’affaire alla en Justice, Marie-José Roig et Alain Dufaut ayant porté plainte -, avaient évoqué, selon la presse locale, « une satire marrante et gauloise ». Le tribunal, de son côté, qui n’avait pas tout à fait le même sens de l’humour, avait qualifié ce petit chef-d’œuvre de « pornographique », rapporte Marianne. Voici ce que l’on peut lire dans Le Méridional (le quotidien qui fusionna, en 1997, avec Le Provençal pour donner naissance à La Provence), dans son édition du vendredi 11 octobre 1996 : « Au terme de l’instruction cinq personnes étaient citées à comparaître. Devant le juge, dans une ambiance parfois tendue, chacun s’est employé à souligner la faiblesse de son rôle dans l’élaboration de ce document. Quant à savoir qui a pris la décision d’une telle pratique, la question est encore posée… » C’est pas moi, m’sieur ! Le journaliste précisait qu’« unanimement, tout l’échiquier politique local » (dont le maire Guy Ravier) avait condamné cette bande dessinée.
Si Marianne relate par le menu judiciaire cette vieille histoire qui prend tout son relief aujourd’hui, on notera qu’il n’évoque pas le caractère évidemment, éminemment, sexiste de cette bande dessinée, chose qui n’avait cependant pas échappé à l’avocat de Mme Roig, même si le mot n’était pas encore à la mode à l’époque. Il avait, en effet, déclaré à la presse locale : « Ce qui est dégueulasse, c’est que Marie-Josée Roig n’a pas été attaquée sur ses fonctions d’élue, de député ou de candidate, mais en sa qualité de femme. » Marlène Schiappa ne dirait pas mieux aujourd’hui.
Thomas Bertin – Boulevard voltaire