Dans leur campagne pour convaincre l’opinion publique de la nécessité d’ouvrir toujours plus les frontières, plusieurs argumentaires sont utilisés dans les médias depuis le début de la dite « crise migratoire ». Une crise qui est avant tout une crise des frontières, qui ne sont pas respectées en France, alors que les pays d’Europe centrale parviennent à stopper les flux migratoires. A intervalles réguliers, des éléments de langage fallacieux apparaissent pour démontrer que « la France n’en fait pas assez ». Illustrations.
LE REFUS DE LA DISTINCTION MIGRANT ÉCONOMIQUE / RÉFUGIÉ POLITIQUE
Le mois de janvier 2018 a été marqué par une vague de contestation du projet de Loi sur l’asile et l’immigration. Celle-ci a été largement relayée dans les médias. Un argument en vogue a été de nier la distinction entre réfugié politique et clandestin économique.
Des associations, de rares élus et une frange des médias ont ainsi plaidé pour… que les clandestins puissent rester en France. La distinction entre réfugié politique et économique est qualifiée de « nauséabonde » dans un blog de Mediapart. C’est une « facilité de langage » pour un universitaire qui s’exprime dans L’Express. Une distinction qui « ne va pas de soi » pour Alternatives économiques. Le 10 janvier, lors de l’émission « le téléphone sonne » sur France Inter, des associatifs, des élus et l’animatrice de la radio s’accordent pour nier la distinction entre réfugié politique et clandestin.
Pendant ce temps, comme l’indiquent Le Monde et Le Point, certains pays comme l’Allemagne ou l’Autriche plafonnent…le nombre des demandeurs d’asile à leurs capacités d’accueil.
« IL N’Y A PAS DE CRISE MIGRATOIRE MAIS UNE CRISE DE L’ACCUEIL DES MIGRANTS »
Vers le mois d’avril 2018, la formule « il n’y a pas de crise des migrants mais une crise de l’accueil des migrants » fait florès dans les tribunes offertes aux journalistes, associations et personnalités pro-immigration. On retrouve ce mantra sur les ondes et les pages de France Inter, L’Obs, France Info, Nice Matin, L’Opinion, Le Monde, Sud Ouest, La Croix, Libération, etc.
Bien sûr, les chroniqueurs, responsables associatifs et autres experts patentés garderont le silence sur la multiplication des structures et l’augmentation des capacités d’accueil partout en France, jusque dans des villages reculés de province. Ces statistiques et cartes de France de la CIMADE en attestent. Vous avez dit : jamais assez ?
LES QUOTAS DE MIGRANTS RELOCALISÉS COMME MESURE DE L’« EFFORT DE LA FRANCE » DANS LA CRISE MIGRATOIRE
Les pays européens ont conclu un accord en 2015 qui prévoit une « relocalisation » de migrants arrivés en Italie et en Grèce. Chaque pays européen s’est vu ainsi attribuer un quota à accueillir. Le nombre de migrants « relocalisés » devient parfois le mètre étalon de l’effort de la France dans la crise migratoire. Ainsi, le 10 janvier, lors de l’émission « le téléphone sonne » sur France Inter, des associatifs et l’animatrice de la radio sont sur la même ligne pour estimer insuffisant l’accueil de « 30 000 migrants ». Ce chiffre mis en avant pour critiquer l’accueil de la France ne représente pourtant qu’une partie des arrivées d’étrangers en France. Cette confusion amène l’écrivain et essayiste Pascal Bruckner, d’habitude plus prudent, à reprendre ces chiffres dans une interview au Figaro comme étant le nombre de « réfugiés » accueillis par le France.
LA COMPARAISON ENTRE LA POPULATION FRANÇAISE ET LES ENTRÉES DE MIGRANTS
Plusieurs médias ont également recours à des indicateurs rapportés à la population française. Le point commun ? Essayer de minimiser le nombre d’immigrés arrivant sur le territoire.
Le Monde reprend les chiffres de l’OCDE pour affirmer que « les quatre millions de demandeurs d’asile arrivés entre 2014 et 2017 devraient déclencher un accroissement d’à peine 0,3 % de la population européenne en âge de travailler, à l’horizon 2020 ».
Pour Europe 1, « en 2017, 40 575 personnes ont obtenu une régularisation en France, selon Eurostat. Soit 0,061% de sa population. C’est proportionnellement beaucoup moins qu’en Allemagne ». Le journaliste se garde bien de préciser que les déboutés du droit d’asile restent dans leur immense majorité en France !
Les Inrocks se basent également sur Eurostat pour conclure que « la France est bien le deuxième pays d’accueil des demandeurs d’asile (110 945). Mais si on rapporte ces chiffres au nombre d’habitants, la France et l’Italie ne font plus partie des pays les plus accueillants de l’Union Européenne ». La norme désignée est donc d’égaler les pays qui accueillent le plus, indépendamment du contexte socio-économique.
On assiste globalement à une comparaison biaisée de flux (arrivées de migrants) à un stock (nombre d’habitants) dans le but de minimiser des flux migratoires qui n’ont jamais pris une telle ampleur.
LA BAISSE DES ARRIVÉES DE CLANDESTINS PAR LA MÉDITERRANÉE
L’année 2017 a été marquée par une baisse des arrivées de clandestins par la Méditerranée, comparativement au pic de 2015. LCI en conclut que nous sommes face à « une crise bien plus politique que migratoire ». « En effet, le nombre d’arrivées de migrants par la Méditerranée tend à baisser ». Pour Europe 1, « Si l’Union européenne étale actuellement ses désaccords sur les enjeux migratoires, ce n’est pas tant à cause de l’intensité des flux actuels que des bras-de-fer diplomatiques que se livrent ses Etats membres ». Sur RTL, Olivier Duhamel estime que « jamais les européens n’ont été aussi divisés et incompatibles sur la question migratoire. C’est un paradoxe parce que la marée migratoire est aujourd’hui sous contrôle, elle est 20 fois moins forte que ce qu’il en était en 2015 ».
Un élément central n’est jamais rappelé : cette baisse des arrivées de clandestins par la méditerranée n’a en rien freiné le nombre d’arrivées légales et illégales d’étrangers en France. La mise en perspective d’une situation européenne aboutit à passer sous silence la situation particulière de la France.
Au fil des argumentaires et quelle que soit la réalité des chiffres, le message culpabilisant est le même, le pays n’en fait pas assez pour…les migrants. Peu de journalistes osent se démarquer de cet argumentaire répété ad nauseam. Le risque est en effet grand d’apparaitre dans « une position du repli, elle-même annonciatrice des années 30 », comme le notait le géographe Christophe Guilly. Au point de travestir la réalité et les faits : quand Le Monde laisse parler le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration sans le filtre des experts auto-proclamés, celui-ci affirme sans ciller : « il n’y a jamais eu en France autant d’immigrés dans la population que maintenant ». En la matière comme dans d’autres, le vieil adage « il vaut mieux avoir affaire à Dieu qu’à ses saints » conserve toute sa vérité…