Mon héros de la semaine / Un jeune para d’Indo

 

Par Alain Sanders

C’était une photo parue dans un numéro de Paris Match (du temps où c’était un grand journal…). La photo d’un jeune para de la Coloniale embrassant sa maman sur un quai de Marseille à sa descente du Pasteur. Un jour où les dockers CGT n’étaient pas venus cracher sur nos blessés et leur jeter des pierres…

Cette photo, prise en 1951 par René Vital, avait pour légende : « Sur le quai de Marseille, une mère a reconnu son fils et ne peut retenir ses larmes de joie. Il a vingt ans et porte le béret rouge des bataillons de parachutistes. En se penchant pour embrasser sa mère, il tente de dissimuler sous sa veste son bras plâtré. »

L’image est poignante. Le visage douloureux de cette mère tandis que ses mains étreignent le cou de son enfant… Il est blessé, bien sûr. Mais il est là. Il est rentré.

Ce pourrait être la fin de cette image pleine de tendresse. Celle de ce jeune para rentré en France alors qu’il venait d’être libéré d’un camp viet où il avait été enfermé après la sanglante affaire de Cao-Bang : présent au sein du 3e Bataillon colonial parachutiste, il avait été blessé à la main et au bras.

Après une courte convalescence en France, auprès des siens, à Romans dans la Drôme, le jeune para repart pour l’Indo en juillet 1952. Avec le 6e BCCP de Bigeard (qui était alors commandant). Direction Dien Bien Phu. Il y sera tué le 21 novembre 1953. Témoignage de l’époque : « Il vient de tomber à la tête de son commando alors que son bataillon sautait en tête du dispositif. Blessé, il n’a pas pu se débarrasser d’une grenade dégoupillée qu’il s’apprêtait à lancer sur un ennemi proche. »

Il s’appelait Jean Gaillard. Il fut enterré dans le cimetière de Dien Bien Phu. Je ne sais pas la suite.

Dien Bien Phu 1954. Il y a soixante ans. J’aurai l’occasion, cette année, d’y revenir. Mais une pensée, d’abord, pour ceux-là qui se portèrent volontaires pour sauter – et pour certains, ce fut leur premier (et dernier, hélas !) saut – sur la place retranchée. Des paras « improvisés ». On a des photos de quelques-uns d’entre eux. Et dansParis Match encore. Documents précieux. Moments sacrés.

Les plus connues ont été prises dans un enclos de l’hôpital Lannessan à Hanoi. Elles montrent un groupe d’artilleurs volontaires pour être parachutés – de nuit – sur Dien Bien Phu. Un officier leur parle :

— Nous avons besoin de cinq hommes pour sauter ce soir.

On a les noms de ces cinq volontaires ce jour-là : le 2e canonnier Fauconnet ; le 1er canonnier Vin Van Hoa ; le canonnier Van Tam ; le maréchal des logis Meliani ; le 2e classe Duperron.

Le soir même, à 19 heures, ils sont dans l’avion avec d’autres volontaires. Deux heures plus tard, la porte s’ouvre sur la nuit et l’enfer : « Go ! » Ils sautent tous sans hésiter. Mais les ordres sont clairs : pas question, même à cette ultime seconde, de contraindre qui que ce soit à sauter. Les volontaires conservent jusqu’au bout le droit – et l’honneur – d’être volontaires.

Un journaliste demandera à l’un de ces volontaires pourquoi aller « là-bas » alors que « tout est foutu ». Réponse : « Parce que mes copains y sont ». Drapeau noir et les copains. That’s my kind of people !

 

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