Vous l’avez vue sans doute, cette jolie réclame qui passe actuellement sur nos écrans entre la pub pour les fuites urinaires, la diarrhée intempestive, les lunettes à -70 %, les prothèses auditives, les monte-escalier, les conventions obsèques et la rente viagère. C’est le dernier clip de La Poste.
On y voit une gentille mamie qui s’active dans sa cuisine. Penchée au-dessus de l’évier, elle lance à la cantonade : « On n’élève pas des enfants pour qu’ils s’occupent de nous, ils ont leur vie… et puis je t’ai, toi ! » dit-elle tout sourire en posant café et gâteaux devant un beau jeune homme en veste bleue. Dehors, devant la maison, est garée la fourgonnette de La Poste.
C’est la pub pour le nouveau service : Veiller sur mes parents. En promo : « Offre de lancement à 19,90 € par mois » Allez voir, c’est tentant : « Lui, c’est mon père, et lui, c’est Julien. Il ne vient pas que pour le courrier, il vient passer un peu de temps avec lui. Avec le service Veiller sur mes parents, on choisit 1, 2, 4 ou 6 passages par semaine. Julien [le facteur] a aussi installé un boîtier connecté à un service de télé-assistance disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. […] Après chaque visite, Julien m’informe sur mon smartphone du déroulement de celle-ci et des besoins exprimés par papa. Tout cela pour 39,90 € par mois, bénéficiant de 50 % de réduction d’impôts, soit 19,95 € par mois. Je suis rassurée et papa aussi. »”
Rien que de beaux jeunes gens, assurément plus sympas que les petits-enfants. Tous bien blancs. Polis, souriants. Pas du genre à vous faire le sac à main ou la boîte à bijoux ni à vous violer sur la table de cuisine.
Je sais, vous allez me dire encore que j’ai mauvais esprit. Que je vois le mal partout. Que je ne sais pas reconnaître ce qui constitue une grande avancée « sociétale ». Que le monde est ainsi et qu’il faut s’y faire, que mieux vaut encore le facteur que PadBot ou AwaBot, les gentils robots de télé-présence et d’assistance à la personne. Et puis La Poste commercialise aussi une jolie tablette spéciale seniors qui saura bientôt dire au facteur s’il faut changer les bambinettes à mémé ou la conduire à la cabine de télémédecine installée au bout du champ du père Ernest… Et puis, demain, Awabot s’occupera aussi de faire incinérer mémé quand elle aura rendu son âme à Dieu. Même pas besoin de se déplacer.
Bon, sur cette description d’un avenir radieux, je vous quitte. J’attends le facteur…
Marie Delarue -Boulevard Voltaire