Pour l’Euro qui débute vendredi, 12 000 agents de sécurité ont été recrutés pour compléter le dispositif mis en place par les autorités en matière de sécurité. Ces agents seront notamment déployés dans les fan-zones qui ouvriront leurs portes dans les villes qui accueillent des matchs du championnat d’Europe. Toutefois, quelques couacs ont déjà été relevés par la presse, et d’autres sont sans doute à venir, concernant une profession au sein de laquelle on retrouve de plus en plus de profils définis comme « sensible » voire parfois non professionnels.
Selon « Le Point , la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a passé en revue 3.500 salariés des sociétés privées qui vont assurer la sécurité de l’Euro 2016. Parmi ces individus, 82 sont inscrits au fichier Cristina, une base de données classée secret-défense qui répertorie les individus susceptibles d’« atteinte à la sûreté de l’Etat », c’est à dire notamment des islamistes potentiels.
Et ce n’est sans doute que la face immergée de l’Iceberg. En effet, il ne s’agit que d’un échantillon de 3500 salariés sur les 12 000 prévus. D’autre part, outre la menace islamiste, c’est avant tout le professionnalisme de certains de ces agents de sécurité – qui sont censés épauler les forces de l’ordre – qui fait douter.
Tout d’abord, les plus grosses entreprises de sécurité en France – c’est à dire celles qui ont en général un regard plus pointu sur le professionnalisme de leurs agents – ont toutes refusé de sécuriser les fan-zones comme l’indique Europe 1. Elles jugent trop difficile, mais aussi trop risqué d’assurer la protection de dizaines de milliers de personnes devant des écrans géants.
Ce sont donc des sociétés plus petites qui assureront cette mission, sociétés qui pour certaines embauchent actuellement à tour de bras, et à l’aveugle des diplômés.
Tout le monde a encore en mémoire ce reportage d’Envoyé Spécial, qui mettait en lumière les pratiques scandaleuses et la délivrance de diplômes bidons d’agent de sécurité incendie dans le Val d’Oise (avril 2016). Mais c’est également le diplôme traditionnel, le CQP Agent de prévention et de sécurité – obligatoire pour exercer – qui pose question : la formation, dispensée durant 70h (minimum légal) à 140h selon les organismes , comporte une grosse partie de théorie.
Certaines sociétés admettent d’ailleurs que pour beaucoup d’agents fraichement diplômés, l’Euro 2016 sera leur première expérience professionnelle ; traduction : il n y a aucune garantie d’un service de qualité et d’une fiabilité de nombre de ces agents recrutés pour l’occasion.
Pôle emploi l’écrit d’ailleurs sur son site Internet : « Le secteur de la prévention sécurité recrute, les besoins sont renforcés dans le cadre de l’état d’urgence. Les entreprises de sécurité privées renforcent encore leurs équipes en vue de l’EURO 2016, environ 1800 recrutements sont encore en cours pour les stades, les fans-zones et leur périmètre de sécurité pour le filtrage des entrées (contrôle des sacs et palpations de sécurité, usage de portiques et d’appareils de détection), la surveillance des installations, la gestion des situations à risque dans les villes hôtes et sur les lieux d’hébergement et d’entraînement des équipes.
Il reste des opportunités d’emploi à Paris et St-Denis, Lille et Lens, Lyon et St-Etienne, Marseille, Nice, Bordeaux et Toulouse, déposez vite votre candidature ! Les conditions requises pour être embauché : maîtriser le français à l’oral et à l’écrit et avoir des connaissances en anglais, être titulaire de la carte professionnelle et ne pas avoir commis d’actes contraires à l’exercice de la profession. »
Autre soucis : la gestion des supporteurs étrangers par les agents de sécurité recrutés en France ; de plus en plus prisé par les compagnies de sécurité notamment pour travailler dans les secteurs dits « sensibles », le « profil banlieue » parait difficilement adapté à des supporteurs, notamment venus des Pays de l’Est. Ces derniers n’ont pas été « rééduqués » aux « joies » de la diversité et du vivre ensemble. Le « dialogue » entre ces agents de sécurité pas toujours formés (y compris à la pédagogie) et des supporteurs parfois éméchés et ne parlant pas la même langue pourrait être détonnant.
« On ne compte plus le nombre d’incidents dans les boîtes de nuit, dans certains évènements publics, entre des agents de sécurité qui ont un comportement qui se rapproche plus de celui de la racaille de banlieue que de celui d’un professionnel » nous confie Yves, de Paris, 15 années dans le métier de la sécurité, et qui a vu récemment sa carte professionnelle non renouvelée : « en raison de mon appartenance à un mouvement politique classé à l’extrême droite » explique-t-il alors qu’il ne possède aucun casier judiciaire et une expérience professionnelle de qualité validée par l’ensemble de ses différents employeurs. « L’Euro risque d’être un sacré bordel vu les nouveaux profils embauchés dans la sécurité. Les autorités récolteront ce qu’elles auront semé ». Il nous confie avoir vu ces dernières années « des attitudes sanctionnables mais non sanctionnés. Comme un agent de sécurité qui, pendant son service, colle une droite à un individu ivre qui l’avait insulté. Ou à un autre qui fait attendre par des amis à lui – extérieurs à la société et à l’évènement – un individu qui l’avait provoqué »
Des attitudes et des comportements que nous ont confirmé d’autres agents de sécurité ou patrons de société, qui nous ont confié regretté unanimement le nivellement pas le bas du métier de la sécurité. « Heureusement, il y a encore d’excellents professionnels dans les métiers de la sécurité. Mais cette qualité – qui devrait pour des métiers aussi sensibles être l’apanage de tous – se paye désormais très cher. Et de nombreux organisateurs d’évènementiel n’ont pas le budget nécessaire pour accéder à l’élite de la sécurité » nous explique l’un d’entre eux.
Les autorités expliquent toutefois que les sociétés de sécurité qui ont postulé pour l’Euro 2016 doivent remplir un cahier des charges lourd – permettant normalement de faire le tri entre les bons et les mauvais agents de sécurité – et que des agents de liaison sont nommés et chargés de vérifier, sur chaque site, le bon respect de ce cahier des charges. Le bilan sera fait après l’Euro 2016. La responsabilité de l’État est toutefois largement engagée, dans ce qui constitue une délégation de service public régalien – la sécurité des biens et des personnes – à des compagnies privées.
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