Le Parlement européen, tour de Babel ? Pas encore, car certains restent encore sourds à l’anglais. L’emploi du français recule cependant à son avantage, et l’usage de l’allemand reste confidentiel. Le tropisme national se maintient, surtout pour les grands pays.
L’analyse des votes (sur le site https://www.votewatch.eu/) relève la loyauté de chaque vote vis-à-vis du groupe politique et de l’État-membre, preuve qu’un député ne se réduit pas à l’adhésion partisane.
Le caractère multilingue de l’institution exige des frais colossaux de traduction et d’interprétation : pour les rapports et les amendements, mais aussi pour les débats en commission. L’interprétation simultanée en 23 langues permet à quiconque d’entendre dans sa langue le propos tenu par un Letton ou un Slovène. Cet effort louable a son revers : des débats artificiels et un niveau de langage nécessairement appauvri.
C’est dans ce cadre unique que les députés exercent leur fonction : amender (en codécision avec le Conseil de l’UE) des textes proposés par la Commission européenne. Les rapports sont examinés dans l’une des 23 commissions parlementaires avant d’être éventuellement amendés et adoptés en séance plénière. Un parlementaire occupe donc pour cinq ans 1/751e du pouvoir de codécision, sur des textes nombreux, techniques ou sibyllins. Une souveraineté floue et pulvérisée, taillée sur mesure pour la société liquide.
D’emblée on peut distinguer quatre classes de députés, pas forcément exclusives : les têtes d’affiches, les besogneux, les fantômes et les réfractaires.
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Les têtes d’affiches regroupent au maximum 5 % de l’hémicycle : présidents de groupe politique ou de commission parlementaire. Ce sont des ténors riches de plusieurs mandats, sûrs d’eux à la tribune et directifs en conciliabule. Nécessairement polyglottes, ces députés tissent leur toile dans tout le Parlement, ils forment des passerelles avec les autres institutions et le monde politique de leur pays d’origine.
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Les besogneux prennent très à cœur leur rôle de colégislateurs de l’UE. Ils amendent impitoyablement les textes qui leur sont soumis. Ils reçoivent experts, lobbyistes ou conseillers à la chaîne, voyagent, lisent et publient parfois. Ce type de parlementaire brigue et assume souvent le rôle de rapporteur pour laisser son nom dans l’histoire de l’institution, et mène la vie dure à ses assistants – au risque de les noyer dans un verre d’eau.
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Les fantômes forment le gros de la troupe. Partisans du moindre effort ou tout à leur carrière politique nationale, ils passent leur mandat dans un anonymat confortable. Leurs assistants parlementaires et les fonctionnaires du groupe politique assurent une activité de façade. Il apparaissent dans l’hémicycle pour voter et parfois pour une brève allocution, les yeux fixés sur leur IPad ou la note fournie par l’assistant.
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Les réfractaires siègent à droite de l’hémicycle. Ce sont les moutons noirs de l’assemblée. Parfois très renseignés sur le système qu’ils dénoncent, leur voix reste méprisée. Comme Bruno Gollnisch l’évoquait dernièrement dans un article rétrospectif sur ses trente ans de vie parlementaire, les « minoritaires » valent par leur témoignage. Leur rôle est politique sans être législatif, à cause du boycott impitoyable qu’organise la majorité. Leur activité peut compter davantage que celle de députés invisibilisés dans un consensus écrasant, mais chaque jour plus impopulaire.
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