Sans famille d’Hector Malot

Par Alain Sanders

Le roman d’Hector Malot, Sans famille (qui sera suivi d’En famille), est paru en 1878. Il n’a depuis cette date jamais cessé d’être publié et republié. Et je serais bien incapable de dire combien de fois je l’ai lu et relu. Avec une émotion toujours intacte. Pour une raison fort simple : les situations qu’il évoque – drames et joies – sont tout simplement intemporelles.

Né en 1830 en Normandie, Hector Malot était « monté » à Paris pour suivre des études de droit. Qu’il abandonne bientôt pour le journalisme et la littérature. Son premier roman, Les amants, paraît en 1859. Comme c’est un succès, il lui donnera une suite : Les époux. Et uune suite à la suite : Enfants. Jusqu’en 1896 (il est mort en 1907), Hector Malot publiera quarante romans. Parmi lesquels le plus connu – et à juste titre : Sans famille.

Sans famille, c’est l’histoire du petit Rémi. Un « enfant trouvé ». C’est-à-dire un enfant abandonné. Et recueilli par une femme très pauvre, la mère Barberin, que Rémi aime comme une maman. Le problème, c’est que maman Barberin a un compagnon qui a besoin d’argent. et pour qui, pour s’en procurer, n’hésitera pas à vendre Rémi. Pour quarante francs. Deux louis…

L’acquéreur n’est pas un méchant homme. Il signor Vitalis est un baladin italien qui, de village en village, donne de petits spectacles avec ses compagnons : le singe Joli-Ceur, vêtu d’un uniforme de général anglais ; un chien noir, Zerbino ; un caniche blanc, Capitano.Périple d’artistes dans la France de la seconde moitié du XIXè siècle. Une société rude parce que l’époque est rude. Le froid, la faim, la pluie, la peur… A Toulouse, Vitalis est jeté en prison et les chiens condamnés à porter une muselière. Quant à Rémi, il doit assumer seul, pauvre gamin tremblant, ses responsabilités de chef de troupe.. Avec des intermèdes plus plaisants : une riche dame anglaise, Mrs Milligan, et son fils qui font du tourisme sur le canal du Midi et se prennent d’affection pour Rémi.

Mais Vitalis sort de prison et il faut – sous la neige – reprendre la route. « Taper le dur », disent les cheminots. Un hiver glacial. Les loups. Et la mort ) terriblement poignante  – de Vitalis qui, on l’apprend alors, fut « le plus fameux chanteur d’Italie ».

Réfugié à Paris, placé au service d’un maraîcher du XIIIè arrondissement, près d’une petite fille muette, Lise, Rémi goûte quelques semaines de bonheur. Ce n’est qu’un répit. Le maraicher fait faillite, emprisonné pour dettes, et Rémi repart sur les chemins, accompagné du seul survivant de la petit troupe, le fidèle Capi.

Rémi, qui joue de la harpe, s’associe à un petit italien, Mattis, qui joue du violon. Le duo gagne un peu d’argent et Rémi qui peut offrir une vache à maman Barberin en remplacement de la Roussette sacrifiée au début du roman. A partir de là les coups de théâtre se multiplient.

Rémi va à Londres pour vérifier – ce dont le lecteur se doutait – que Mrs Milligan est bien sa maman véritable. Une fin heureuse donc. Mais pour en arriver là que de malheurs…

Préfacier d’une des innombrables éditions de Sans famille, Richard Roudant explique ainsi le succès du roman : « Nul doute que Sans famille, mettant sans agressivité le doigt sur quelques réalités, aussi déplaisantes fussent-elles, a contribué à une prise de conscience dont les effets de manifesteront à long terme ».

Hector Malot avait écrit ce livre avec, dans le cœur l’image de sa fille Lucie : ‘Pendant que j’ai écrit ce livre, j’ai constamment pensé à toi, mon enfant, et ton nom m’est venu à chaque instant sur les lèvres. – Lucie sentira-t-elle cela ?- Lucie prendra-t-elle intérêt à cela ? ) Lucie, toujours. Ton nom, prononcé si souvent, doit donc être inscrit en tête de ces pages : je ne sais la fortune qui leur est réservée, mais quelle qu’elle soit, elles m’auront donné des plaisirs qui valent tous les succès – ma satisfaction de penser que tu peux les lire –, la joie de te les offrir ».

Le cinéma ne pouvait que s’emparer d’une telle histoire. ON relèvera deux versions muettes : une de 1913 (avec Georges Tréviele et Maria Fromet) ; une de 1925 (de Georges Monca et Maurice Kerouf). Nos préférences vont à celles de 1934, réalisée par Marc Allégret, et de 1947, Sanza famiglia de l’italien Giorgio Ferroni. Sans oublier le Sans famille d’André Michel en 1947, avec Pierre Brasseur, Gino Cervi, Bernard Blier et Joël Flateau. A signaler le remake italien de Vittorio Gassman en 1972. Et à oublier le misérable téléfilm français en 2000…

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