Le second tour a confirmé la géographie et la sociologie Macron que dessinait le premier : la France BLAM (bourgeoise, libérale, âgée, moderne) rejointe par la France BLAC de Fillon (bourgeoise, libérale, âgée, conservatrice). Ajoutez-y les 18-24 ans et le tour était dans le sac. Inversement, la strate qui a le plus voté pour Marine Le Penest celle des 35-49 ans : la classe vraiment active, chargée de famille, oubliée du système, et la plus lucide sur les évolutions dramatiques du pays. Ce sont les inactifs – jeunes et retraités – qui ont imposé Macron aux actifs dans la force de l’âge. Les quadras ne voulaient pas de ce quadra-là. Étranges effets de miroir…
La fracture française est donc d’abord démographique et sociologique. Selon une enquête Ipsos publiée par Le Point, les retraités ont voté à 74 % pour Macron, les plus de 70 ans étant même 78 % à le plébisciter, le sondage OpinionWay publié par Les Échos évaluant même le vote Macron des plus de 65 ans à 80 % ! Même score pour les bac+3 : 81 % ! Alors que ceux qui ont un diplôme inférieur au bac ont voté Marine Le Pen à 45 %, qui demeure en tête, à 56 %, chez les ouvriers.
Et c’est par là que cette fracture devient géographique : Marine Le Pen fait ses meilleurs scores en milieu rural (43 %) tandis que Macron atteint des scores soviétiques dans les grandes villes. Faut-il rappeler les chiffres écrasants de Paris, qui lui a donné 90 % ?
Comment expliquer qu’un candidat aussi jeune, relativement inexpérimenté en politique et aux prétentions réformistes ait à ce point été plébiscité par une France grise, plutôt conservatrice par nature ?
On pourra avancer la géniale mise en scène de son couple, où Brigitte faisait figure de parfaite représentante de ces seniors aisés (Le Touquet) mais ayant appartenu à la classe moyenne (professeur de français).
Mais c’était surtout la crainte pour leurs portefeuilles, à tous les niveaux : revenir au franc ? Toucher à leur épargne ? Leurs actions ? Leurs assurances-vie ? Dans ces situations, il n’y a plus ni droite ni gauche qui tiennent. Il n’y a plus que le portefeuille. Macron a su être ce Pinay ou ce Giscard rassurants de leur jeunesse.
La France des vieux, qui ne sera plus là pour payer les pots cassés, nous a donné notre plus jeune Président. Ils ont cru bien faire. Nous n’avons plus qu’à subir ce choix. Et certainement beaucoup d’autres.