Les temps dits surcomposés servent à marquer des faits antérieurs et accomplis par rapport à des faits qui, eux-mêmes antérieurs par rapport à d’autres faits, s’exprimeraient par les temps composés correspondants. À la voix active, on forme l’indicatif passé surcomposé en ajoutant le présent de l’auxiliaire avoir au participe passé de l’auxiliaire avoir ou de l’auxiliaire être (selon les verbes) du passé composé : elle a fait cela donne quand elle a eu fait cela ; ils ont fait cela donne quand ils ont eu fait cela ; elle est partie donne quand elle a été partie, ils sont partis donne quand ils ont été partis.
À l’indicatif plus-que-parfait surcomposé, temps d’emploi assez rare marquant l’antériorité par rapport au plus-que-parfait, on ajoute dans les mêmes conditions l’imparfait de l’auxiliaire avoir : quand elle avait eu fait cela, quand ils avaient eu fait cela ; quand elle avait été partie, quand ils avaient été partis.
Le futur antérieur surcomposé, d’emploi également assez rare, marque l’antériorité par rapport au futur antérieur et se forme avec l’auxiliaire avoir au futur : quand elle aura eu fait cela ; quand elle aura été partie.
Le passé antérieur surcomposé, qui est très rare, marque l’antériorité par rapport au passé antérieur et se forme avec avoir au passé simple : quand elle eut eu fait cela ; quand elle eut été partie.
Tout aussi rares sont les autres temps : conditionnel passé surcomposé (quand elle aurait eu fait cela ; quand elle aurait été partie) ; subjonctif passé surcomposé (avant qu’elle ait eu fait cela ; avant qu’elle ait été partie) ; subjonctif plus-que-parfait surcomposé à valeur de conditionnel (si elle eût eu fait cela ; si elle eût été partie) ; participe passé surcomposé (ayant eu fait cela ; ayant été partie) ; infinitif passé surcomposé (après avoir eu fait cela ; après avoir été partie).
La voix passive se forme selon les mêmes procédés à partir des passifs correspondants : quand cela a été fait (passé composé passif) donne quand cela a eu été fait (passé surcomposé passif).
Les formes surcomposées sont inusitées pour les verbes pronominaux.
Bien qu’ils appartiennent principalement au langage parlé, les temps surcomposés se rencontrent chez les meilleurs auteurs, de Stendhal à Mauriac en passant par Balzac, Hugo, Renan ou Proust.
C’est surtout dans le Midi que l’on emploie le passé surcomposé au lieu du passé composé pour insister sur le caractère révolu et lointain des faits évoqués : « Je l’ai eu su » (sous-entendu : il y a bien longtemps, et j’ai tout oublié). Chez l’humoriste F. Raynaud : « Ça a eu payé » (et non, comme on le voit parfois écrit, « ça eut ou eût payé »). On considère généralement cet emploi comme dialectal.
L’éminente linguiste Henriette Walter signale enfin un malaise assez répandu vis-à-vis de ces temps et remarque à propos du passé surcomposé : “Posez donc la question autour de vous et vous constaterez que beaucoup de personnes cultivées l’emploient en toute bonne conscience, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, en étant intimement persuadées que c’est la seule forme correcte. Mais d’autres personnes, tout aussi cultivées, et avec le même sentiment de détenir la vérité, refusent de l’employer, en affirmant avec la même vigueur que ce sont là des formes incorrectes et absolument non conformes à la norme. D’autres encore, dont je suis, tout en les jugeant tout à fait utiles, ne peuvent se résoudre à les utiliser.”