Lors du piratage du site de TV5 Monde, les cyberdjihadistes ont mis en ligne des documents présentés comme des pièces d’identité et des CV de proches de militaires français impliqués dans les opérations contre l’État islamique. «Soldats de France, tenez-vous à l’écart de l’Etat islamique», pouvait-on lire sur le site piraté. «Le ministère de la Défense est en train de vérifier l’authenticité des documents postés par les cyberpirates», «Il est trop tôt pour tirer des conclusions», a declaré le porte-parole du ministère de la défense ce matin. Néanmoins, la menace qui pèse sur les soldats français est bien réelle. Il y a une quinzaine de jours, un groupe de hackers se réclamant de Daech avait publié sur internet une liste de 100 militaires américains, avec leurs noms, photos et adresses, appelant les musulmans américains à les assassiner. «Parmi l’énorme quantité de données que nous avons obtenu de différents serveurs et bases de données, nous avons décidé de publier ces 100 adresses, pour que nos frères aux Etats-Unis puissent s’occuper de vous», proclamaient-ils. «Maintenant que nous vous avons facilité la tâche en vous donnant les adresses, tout ce que vous avez à faire est de franchir le dernier pas, alors qu’est-ce que vous attendez?» exhortaient les djihadistes.
Inquiétude au sommet de l’armée française
Dans un monde virtuel où les frontières sont abolies, il devient de plus en plus difficile de protéger l’anonymat des militaires. C’est une problématique qui inquiète au sommet de l’armée française. Alors que l’Etat islamique devient de plus en plus présent sur les réseaux sociaux et développe le cyberdjihadisme, la question de la protection de l’identité des militaires engagés contre l’Etat islamique devient cruciale.
Sur la page Facebook de l’Armée française, qui diffuse régulièrement des images d’Opérations extérieures (Opex) sur divers fronts, seules les photos de l’opération «Chammal» en Irak sont floutées. On n’y voit jamais le visage d’un militaire français. Lors des reportages diffusés par la presse, les visages n’apparaissent pas, les barrettes avec les noms des soldats sont supprimées et les noms et les grades remplacés par le seul prénom (ex: Commandant Sébastien). «C’est une problématique qui nous importe» confirme l’Etat major des armées, «même si nous n’avons pas encore reçu de menaces explicites». «Les noms des pilotes qui bombardent l’État islamique ne sont jamais donnés, mis à part les chefs d’opération. Ainsi, sur l’équipage du Charles de Gaulle parti rejoindre l’opération Chammal, seul le nom du «pacha» (chef de vaisseau) a été donné».
Contrôler les comptes Facebook des soldats
Mais au-delà de la responsabilité de l’armée, il faut aussi protéger les militaires d’eux-mêmes, et de la fâcheuse tendance qu’ont certains d’entre eux à s’exhiber sur les réseaux sociaux. Mohamed Merah avait repéré sa première victime Imad Ibn Ziaten sur le Bon coin. Celui-ci avait posté une annonce où il disait être militaire et vouloir vendre son scooter car ses nombreuses missions sur le terrain l’empêchaient d’en profiter. Un terrible précédent qui a conduit l’armée à engager les soldats à préserver leurs identités et données personnelles. Un «Guide du bon usage des médias sociaux» a ainsi été édité à destination des soldats. «Dans les conflits modernes, nos «ennemis» scannent régulièrement le web (réseaux sociaux, blogs, forums, sites personnels…) à la recherche d’informations sensibles et pour détecter nos vulnérabilités. Il convient donc d’être extrêmement vigilant.», peut-on y lire.
Il est recommandé aux militaires de restreindre l’accessibilité de leurs murs Facebook, ainsi que d’activer la fonction «tagage» qui permet de contôler les photos où l’on est identifié. Pas question non plus de donner la destination des missions.
«Nous n’avons pas le droit de mettre des photos de nous en uniforme sur Facebook», explique un soldat du rang au Figaro. Une règle qui semble à géométrie variable. Pour quiconque a des amis militaires sur le célèbre réseau social (la plupart d’entre eux sont inscrits sous pseudonyme), il n’est pas rare d’apercevoir des photos de soldats en uniforme et en mission.
Exemple de militaires posant à visage découvert sur Facebook. Une image ouverte au public.
En réalité, s’il est «fortement déconseillé» de publier des photos en uniforme, «on n’aura jamais de sanctions pour ça», résume un autre soldat, en mission sur le continent africain et tagué sur de nombreuses photos sur Facebook où on voit les militaires s’entrainer, poser avec leurs armes, et même devant le numéro et l’emblème de leur section. «On a régulièrement des sensibilisations sur le sujet, mais il faut croire que ça n’est pas très efficace», conclut-il.