Giacomo Casanova arrive à Paris le jour de l’attentat de Damiens, dans une période difficile pour les finances royales, grevées en particulier par la construction de l’École militaire, à la gloire du roi Louis XV et de Mme de Pompadour. Or deux frères originaires de Livourne, les Calzabigi, ont l’idée d’une loterie qui permettrait à l’État de se renflouer.
Grâce au cardinal de Bernis, Casanova est introduit auprès de Choiseul, du contrôleur général des finances, Boulogne, et du financier Joseph Paris-Duverney. Il s’associe aux frères Calzabigi, dont il a fait la connaissance, soit au château de Plaisance, chez Paris-Duverney, soit dans le cercle des Comédiens-italiens, puisque Raineri Calzabigi est lié à Balletti : ayant persuadé les deux frères qu’il a conçu le même projet qu’eux, il présente, au cours d’une conférence de trois heures à l’École militaire, les règles de cette loterie. Les auditeurs sont convaincus et le projet est accepté par deux arrêts du Conseil d’État, des 15 août et 15 octobre 1757, qui portent établissement d’une loterie en faveur de l’École royale militaire ; elle est calquée sur celles qui existent déjà en Italie, notamment à Venise, mais aussi dans d’autres villes d’Europe, Berlin, Bruxelles, Prague ou Vienne.
Le premier tirage a lieu le 18 avril 1758, dans les magasins de l’Arsenal. Les gagnants se présentent au Bureau général de la loterie, où ils reçoivent leur lot trois jours après le tirage. La loterie rencontre aussitôt un grand succès populaire, et les tirages se succèderont jusqu’en 1776, date à laquelle elle deviendra Loterie royale de France, l’ancêtre de notre Loterie nationale.
Casanova, qui s’était fait attribuer six bureaux de recette, en revend cinq et annonce que les billets de loterie signés par lui seront payés 24 heures après le tirage. Aussi se presse-t-on à son bureau, rue Saint-Denis, lors du premier tirage : pour une recette générale de 2 millions, la régie réalise un gain de 600 000 livres, dont lui-même encaisse 20 000. Si tout se passe bien au début, les difficultés avec les frères Calzabigi ne tardent pourtant pas à surgir, si bien que le Conseil de l’École militaire se sépare des deux frères en juin 1759, tandis que Casanova, sur sa lancée, invente un loto grammatical et élabore un « Projet d’une nouvelle méthode au bénéfice du loto de Rome », sans parler de l’impôt sur les successions collatérales qu’il avait suggéré à Joseph Paris-Duverney en plus de la loterie.