Les élucubrations du vagin

 

Sigmund  Freud : «  La femme est un continent noir… »

« Les monologues du vagin », pièce de théâtre d’Eve Ensler, sont l’exemple type de la cogitation (et souvent de la découverte)  nocturne, appelée plus communément élucubration, même si l’auteur jette sur le vagin, nouveau fétiche, une lumière crue. Comme s’il suffisait de s’armer d’un miroir dans le noir pour connaître la femme… Ca cogite, mais est-ce que ça coïte pour autant, une fois retiré le point G plus fantasmé que scientifiquement prouvé ? Coïto ego sum ? On est en droit d’en douter tant ces monologues déconnent et à plein tube encore. Et pas seulement parce que ca la fout mal qu’une Marlène sans rapport avec la Dietrich, quoi que finalement aussi glaçante en parole, use de son statut de ministre pour rayer le plancher d’une salle de spectacle en plein Paris. Pour paraphraser Lacan, « Schiappa de rapport  sexuel », tout simplement parce que si l’homme et la femme se complétaient, il y a belle lurette qu’il n’y aurait plus de désir. Et justement si en général entre un homme et une femme, on a tendance à faire l’amour plusieurs fois, c’est bien parce qu’on ne recommence toujours que ce que l’on a raté… Y’a pas (Schiappa encore) à monologuer, l’amour est un acte manqué ! « L’insuccès de l’une-bévue s’aile à mourre ». Lacan qui était un petit malin avait appelé le séminaire qui ne parle que de cela « Encore ». On était habitué que les hommes qui comprennent toujours tout de travers (Et dans les grandes largeurs…) prennent cet adverbe « encore » comme une preuve de succès, de comblement de leur chère moitié, alors qu’il signifie tout le contraire, la cible à chaque fois ratée… « Essaie encore même si c’est pêché ! »  Mais de là à ce que les femmes libérées du vagin (Ah si on pouvait les libérer définitivement du sexe !), singeant les hommes,  fassent de leur gémissement un titre de gloire…

Lacan, toujours, détenait, semble t- il chez  lui, « L’origine du Monde »,  de Gustave Courbet dissimulée derrière un Masson pas si cache-sexe que cela… L’art du dévoilement ou comment n’y rien voir ! Et en matière de grâce érotique, là aussi, on repassera. L’origine est un fondement et pourtant il faut savoir distinguer entre les deux selon les psychanalystes, ce que les petites filles ont tout de suite compris (Ca touche quand même à leur anatomie…), les petits garçons comme pour le reste, mettront un peu plus de temps. Tel n’est pas le cas d’Eve Ensler, qui se rappelant en fin de spectacle qu’elle n’avait pas évoquée la naissance, nous convia dans une salle d’accouchement ou rien ne nous fut épargné : « le jaune, les humeurs blanches,  la merde, les caillots jaillies de partout », le grand œuvre des alchimistes (quoi ?!) version logos avec les 4 couleurs. Faut dire qu’Eve, elle, ne veut pas faire semblant (sang blanc ?) et souvent voit rouge. Son vagin est en colère et c’est la règle d’or de la pièce. Lilith inépousée, la femme d’Eve Ensler est une furie, une ménade qui démembrant le corps du malheureux Orphée après que celui-ci eut échoué à sortir Eurydice des Enfers, termine avec la tête de l’époux de la dryade sur les rivages de Lesbos. Sappho était néanmoins poétesse…Ces monologues qui ne sont jamais des dialogues ont comme parti pris le logos, opposé bien abusivement au Muthos, le Mythe. Ce découplage du monde du Ma, la manifestation, du monde du Mi, mythe et mystère, est annihilation (Ni-hil comme rupture du lien) du désir, aphanisis. C’est à dire une crainte, une angoisse probablement supérieure à la castration. Qu’Eve Ensler compense par l’onanisme et justifie par l’univers terrifique du viol et de l’excision qui n’est pas sans rejoindre l’horror feminae des psychanalystes. Très politiquement correct néanmoins, féministe et islamo-compatible, elle trouve un paradis perdu en Bosnie  où n’a jamais régné bien évidemment en terre d’Islam la culture du viol (Elles iront le dire aux jeunes allemandes de Cologne), le fautif étant comme de bien entendu à trouver chez le grand inquisiteur du Saint Siège qui voit en 1593 (Notez la précision) dans l’excroissance clitoridienne un mamelon du diable. Trouve t-elle seulement les mots pour le dire le vagin,  « Poudrier, mistigri, turlututu,  pioupiou, zigouigoui, becassine » ? Pas certain tant sa viscosité lui échappe mais pas les odeurs de poisson qui vont avec. Très approximative la symbolique du corps d’Eve Ensler qui confond les viscères et le génital…

Elle délire grave Eve car elle sème hors du sillon. Le corps est une grande fractale ou le sillon mammaire rappelle une certaine fente et que ce point d’en bas trouve une correspondance en haut avec la Fontanelle. Athéna en sort toute armée du crâne du maître de l’olympe et danse. Mais le monde sans père d’Eve Ensler est privé de cette Métis, intelligence divine où il n’est permis de voir et de toucher qu’avec le cœur. Le mythe nous parle de notre intériorité à laquelle Eve Ensler et ses consœurs sont aveugles. Car très aidée en cela par les hommes (il faut bien faire de temps en temps son mea culpa), elles confondent leur être manifesté de femme avec le féminin ontologique. Et deviennent alors des hommes comme les autres même parfois en pire, puisque en écriture inclusive le masculin d’une femme sera toujours un femme (Infâme). Tout le monde semble avoir perdu aujourd’hui le chemin  qui mène au château de la belle aux bois dormants. Jusqu’au petit poucet… Celle-ci fait ronces et épines qui dissuadent toute vocation de Prince Charmant et dans son assombrissement revendique tout de même le droit aux poils pubiens qui fait enfin la limite, ce qui est peut-être la seule bonne nouvelle de l’œuvre, le logos n’ayant par ailleurs pas à gommer toute trace d’animalité. Le désir brûlant fait retour au moment ou on l’attend le moins, montée de l’humide, eaux d’en bas qui appellent les eaux d’en haut. La terre est aride, la femme reste un continent noir selon Freud mais vient un jour la rosée du matin, la terre arrosée redevient fertile. Le vagin, fourreau, n’appelle t-il pas l’épée ? Plus qu’un sillon, c’est un passage qui appelle un signe. Au comble de la souffrance, un retournement ? Pour une nouvelle conscience, une nouvelle terre…

Nicolas Stoquer

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