Universel Tintin

Par Guy Denaere

Avec plus de 230 millions d’albums vendus dans le monde depuis sa création, Tintin a franchi le cap des traductions dans 100 langues et dialectes. Il a même été traduit en latin, j’ignore lequel : car on pourrait donner deux versions d’un même album, en latin classique et en latin ecclésiastique.

Pour les langues régionales et locales, la stratégie de Casterman est pragmatique. « Nous répondons aux demandes d’associations culturelles qui souhaitent traduire dans leur dialecte les aventures d’un héros connu de tous », explique Simon Casterman, directeur commercial des éditions. Ces associations sont alors chargées de traduire, financer et promouvoir l’album.

C’est ainsi que se sont multipliées depuis trente ans les éditions locales en France (corse, ch’ti ou gruérien, dialecte du nord des Alpes) et en Belgique (anversois, ostendais ou gaumais). En décembre, est sorti L’Ilate negue – devinez quel titre français se cache derrière cette version en saintongeais, le patois de la région de Cognac. Les 6 500 albums imprimés sont directement passés de l’étalage des libraires à la bibliothèque des lecteurs.

Tintin a aussi appris à parler québécois, féroïen, tahitien et papiamentu, la langue créole des Antilles néerlandaises où a été publié E asuntu di Florisol (là encore, devinez !). Et – 80 ans après avoir visité le Congo – il est retourné en Afrique en 2013, au Sénégal précisément, avec un album en wolof. « Par son aspect divertissant, cette BD constitue un outil d’une importance capitale pour la promotion du wolof, aussi bien au niveau national que de la diaspora », a commenté Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, dans la préface de Kumpag wangalang wi (celui-là, si vous le trouvez, vous êtes doué. Un indice, la couverture ci-contre…).

Bande de bachi-bouzouks

L’une des priorités de Casterman est désormais de trouver des relais en Inde. Tintin y est populaire grâce aux traductions en anglais, Casterman souhaite lancer des éditions en bengali, assamais ou tamoul.

Et d’autres projets existent en araméen, en yiddish et en bambara.

La plupart de ces éditions sont enrichies d’un lexique afin de ne pas faire fuir les tintinophiles néophytes. Les traducteurs doivent faire preuve d’imagination pour adapter les célèbres insultes du capitaine Haddock. Certaines de ces insultes ont été qualifiées de xénophobes, quand ce n’est pas l’album Tintin au Congo qui était accusé de racisme et de colonialisme. La stature internationale de Tintin, son acclimatation linguistique universelle (à l’exception de l’arabe en raison des difficultés liées au sens de la lecture) démentent amplement ces accusations sorties d’esprits faibles qui ne se sont jamais remis de Tintin au pays des soviets.

Lu dans Présent

 

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