Bistro Libertés: Yves Christen, à L’heure de la sociobiologie (Vidéo)

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Yves Christen est biologiste. Il a fait une thèse scientifique en immunogénétique avec le Professeur Dosset, prix Nobel. Il est un spécialiste de la maladie d’Alzheimer et du domaine des neurosciences. Il est l’introducteur, en France, de la sociobiologie. Yves Christen est l’auteur de très nombreux ouvrages parmi lesquels un best-seller publié en 2009 : « L’animal est-il une personne ? ».

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L’HEURE DE LA SOCIOBIOLOGIE d’Yves CHRISTEN – Albin Michel – 1979

Cet ouvrage constitue un plaidoyer en faveur de la sociobiologie. Les remarques en notes de bas de page ne sont pas celles de l’auteur de l’ouvrage mais du rédacteur de la note de lecture. Enfin, pour des raisons de présentation l’ordre des chapitres du livre n’est pas respecté mais des références aux différents chapitres seront régulièrement faites.
Introduction

La sociobiologie naît officiellement avec la parution des ouvrages de E.O. Wilson « sociobiologie, la nouvelle synthèse » en 1975 et « On human nature » en 1976.
Yves Christen définit cette science comme « étudiant les bases biologiques des comportements sociaux ». Elle nait de la rencontre de trois disciplines :
+ L’éthologie (Karl Lorenz, Desmond Morris(1)) ; l’hypothèse sous jacente à ces emprunts est que les comparaisons des hommes et des animaux, issues de l’observation et du travail de terrain, permet de mettre en évidence l’importance de l’inné.
+ La « théorie synthétique de l’évolution » (ou « néo-darwinisme ») qui fait le lien entre les apports de Mendel et ceux de Darwin.
+ L’écologie : pour Wynne-Edwards, la « société est un groupe d’individus luttant pour obtenir des avantages conventionnels par des moyens conventionnels ».
Le gène au cœur de la sélection

La sociobiologie permet d’expliquer un certain nombre de comportements sociaux si on suppose que le gène est le centre de la sélection et que l’individu n’est qu’un porteur de gènes. Dans cette optique, les gènes existant ont été sélectionnés au cours de l’évolution et un individu a tout intérêt à diffuser au maximum ses propres gènes.
On peut ainsi expliquer l’agressivité, en supposant qu’il existe un « gène de l’agressivité » qui aurait été sélectionné au cours de l’évolution. Toutefois, on peut compliquer la présentation et, comme Maynard-Smith, construire un modèle (sur le principe de la théorie des jeux) supposant l’existence de deux types d’individus pou de comportements, les faucons (toujours agressifs) et les colombes (fuyant toujours devant les faucons et une fois sur deux devant une autre colombe). Il en déduit qu’il existe une « stratégie évolutionnairement stable » qui aboutit à ce qu’à l’équilibre, la population soit composée d’un certain pourcentage de faucons et de colombes(2).

Paradoxalement, ce « gène égoïste » permet d’expliquer des comportements sociaux comme l’altruisme. L’explication en est donnée à partir de l’exemple des insectes hyménoptères (certaines fourmis et abeilles) chez lesquels les mâles sont haploïdes (ils n’ont qu’une seule série de chromosomes) alors que les femelles sont diploïdes (elles possèdent deux séries de chromosomes). Donc les descendants d’un couple posséderont 100% du stock génétique paternel mais 75% de celui de la mère. Deux sœurs possèderont donc en moyenne 75% de gènes en commun alors que si elles ont des enfants, elles ne transmettent que 50% de leurs gènes. Dans ces conditions, une femelle peut avoir intérêt à se sacrifier pour sauver sa sœur car alors elle sauve 75% de ses propres gènes plutôt que survivre et faire des enfants auxquels elle ne transmettra que 50% de ses gènes (chapitre IV).

De la même manière, les sociobiologistes expliquent l’homosexualité par le fait que les individus auraient plus intérêt à s’occuper des enfants de leur parenté que faire eux-mêmes des enfants (chapitre XII).
La sexualité pourrait également s’expliquer de cette manière : celle-ci comporte un bénéfice – répandre ses gènes- et un coût – l’investissement passé à s’occuper de ses enfants. Le temps passé à élever les enfants étant dévolu à la femelle, celle-ci a intérêt à ce que la « qualité » de l’enfant soit bonne et elle doit donc choisir au mieux son partenaire. Le mâle, au contraire, a intérêt à répandre au maximum ses gènes donc à avoir le maximum de partenaires et à contrôler le maximum de femelles (chapitre XII)(3).

Jusqu’à présent, les phénomènes comme l’altruisme, l’homosexualité, le sacrifice de certains face çà un prédateur, la régulation des naissances dans un groupe, étaient difficilement expliqués par une sélection darwinienne s’appliquant à l’individu. Il fallait alors se raccrocher à une « sélection de groupe ». L’hypothèse du « gène égoïste » permet d’expliquer élégamment ces différents comportements sociaux.
On voit apparaître ici une quatrième influence, celle de l’économie néo-classique. En effet, on reconnaît aisément cette démarche, considérant que le gène prend la place du profit ou de la satisfaction maximum et que l’individu fait un calcul « coût -avantage ».
Cependant toutes ces explications dépendent d’hypothèses pour le moins mystérieuse : comment un individu fait ils pour savoir qu’un autre individu lui est génétiquement proche et comment peut-il être capable de maximiser son « succès reproductif » ? De ce point de vue, l’auteur n’est pas très convaincant(4).
L’apport de l’éthologie
L’idée est ici que des comportements universaux ou communs aux hommes et aux animaux doivent avoir une base innée ;
C’est notamment le cas pour les comportements non verbaux comme les mimiques faciales. Par exemple, Eibl-Eibesfeld a montré en 1966 que des enfants aveugles avaient, dans de mêmes circonstances, les mêmes mimiques que des voyants.

On peut également, dans le domaine de « l’intelligence », procéder à des comparaisons entre jumeaux ; Christen pense que le Quotient Intellectuel est génétiquement déterminé (pour une part allant de 50% à 80%) ce qui n’empêche pas le QI de varier au cours de la vie(5).
Le rôle de l’évolution
La morale, comme l’altruisme, serait une stratégie sélective. La Culture serait aussi le résultat dune sélection faite au cours de l’évolution. Dawkins propose de faire une analogie ave le gène et d’appeler « même » le « réplicateur » minimum de la culture.
Conclusion

Pour Christen, la sociobiologie n’est pas scientifiquement attaquable. Si elle est contestée, c’est d’abord le fait de spécialistes en sciences humaines qui craindraient une discipline considérée comme menaçante, mais c’est également pour des raisons idéologiques car elle passe pour conservatrice ; or, selon l’auteur, c’est inexact car, en expliquant les comportements altruistes par exemple (voir ci-dessous), elle va à l’encontre des thèses du darwinisme social. De plus, pour Christen, reconnaître l’importance des gènes dans les comportements sociaux n’implique pas de se soumettre au dictat des gènes.
Commentaires

Il n’est pas facile de faire une note de lecture sur un ouvrage qui ne nous a pas convaincu mais qui est important dans la mesure où la sociobiologie constitue un courant d’analyse qui a beaucoup fait parler de lui.
Pourtant, les critiques possibles sont nombreuses ; nous nous contenterons d’en signaler quelques unes :
– L’universalisme des comportements revendiqué par les sociobiologistes peut parfois être reconnu (mimiques faciales,…) mais il peut également donner lieu à des « surinterprétations ». Par exemple, le terme « agressivité » a-t-il le même sens si on parle de l’homme ou de la fourmi ? (Pour cette question, voir la note de lecture sur P. Roubertoux : « Existe-t-il des gènes de comportement ? »).
– Nous avons vu que le point faible est celui de la « reconnaissance des gènes » : comment un individu peut il savoir qu’autrui partage des gènes avec lui même (cas de l’altruisme) et comment est il capable d’en faire le calcul ? Une des solutions données est que ceux qui partagent une grande part de leur patrimoine génétique ont toutes les chances d’avoir grandi ensemble ; cette explication est plausible mais remet en cause la thèse sociobiologique puisqu’ici le gène n’est plus une cause du comportement mais seulement un indicateur indirect d’une proximité familiale ou sociale.
– Les explications apparaissent parfois ad-hoc : dire qu’un comportement existe parce qu’il a été sélectionné au cours de l’évolution est une tautologie.
– Enfin, il faut voir que le gène dont parlent les sociobiologistes n’a pas grand chose à voir avec le gène des biologistes moléculaires. Pour ces derniers, le gène est un segment d’ADN qui a une fonction biologique et il existe donc matériellement. Pour les sociobiologistes, le gène est un « élément invisible » qui explique un comportement mais il n’a aucune réalité matérielle.

(1) Auteur du best-seller « le singe nu »
(2) Pour une présentation plus complète, voir a note de lecture sur le livre de D. Guillo ; « Sciences sociales et sciences de la vie ».
(3) On reconnaîtra la démonstration du fameux « gène de l’infidélité » qui a fait la couverture de certains magazines il y a quelques années.
(4) Une explication est possible, selon laquelle les individus ne reconnaissant pas le patrimoine génétique d’autrui mais ont un comportement différent à l’égard de ceux avec qui ils ont été élevés et ont grandi et la probabilité de partager une grande part de patrimoine génétique est forte dans ce cas.
(5) Pour ce débat extrêmement controversé, voir Th. Rogel : « une société entière dans ses gènes » – Enligne sur Internet.

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