Le président actuel, devant les étudiants burkinabés, une fois encore, s’est comporté en malappris, manquant au simple devoir de respect envers les autorités d’un pays hôte et ami, en assimilant le président burkinabé à un bricoleur en électricité. Ce genre d’humour, au détriment d’un chef d’État, aurait pu plaire à Trump, mais sûrement pas à un haut dignitaire africain. Nous savons la susceptibilité des responsables de l’Afrique francophone, d’une part, et, d’autre part, la position si particulière que la France occupe toujours dans ces pays. Le président français, une fois encore, n’a pas pris la mesure de son rôle et de l’environnement dans lequel il se trouvait. Une fois de plus les médias nationaux applaudissent le personnage pour sa décontraction et son aisance, sans se soucier des ravages que ce type de propos peut faire. C’est bien dommage pour la France, hélas!
Mais pire, le président français a claironné, confirmant ses mots prononcés à Alger pendant la campagne présidentielle, que la colonisation était un crime contre l’humanité, ajoutant qu’il appartenait à une génération qui la voyait ainsi. Outre le fait qu’il n’a pas été élu par « sa génération », mais par une minorité d’un corps électoral, aveuglé par le système médiatico-financier ou déboussolé par le désastre politique provoqué, il n’a aucun droit à porter ce type de jugement, assorti de cette précision. Je ferai, à cet égard, quelques remarques, à monsieur Macron, en regrettant que des affirmations particulièrement justes aient été anéanties par une attitude inadaptée et des mots inutiles et dangereux.
La colonisation est une phase historique. Elle est à regarder comme telle.
Aucun historien, digne de ce nom, ne se permettrait de juger le passé avec le regard d’aujourd’hui. Chaque époque a eu ses vertus et ses obligations. Les sociétés d’autrefois agissaient en fonction de leurs connaissances, de leur organisation et de leur évolution culturelle ou religieuse. La vision de l’homme, au moins en Occident, n’a cessé d’évoluer vers un respect de plus en plus grand de la personne, aussi, ne pas admettre que l’être humain, sous l’influence de différents apports, a modifié son comportement et son attitude envers lui-même, revient à considérer que l’humanité n’est pas perfectible. Dans ce cas il faut revoir l’enseignement de l’Histoire que je jugeais, personnellement, comme une science, une matière à la recherche de la vérité sur le passé. Ainsi, selon la perception de l’actuel président, les Grecs auraient été des voyous et Alexandre un fieffé salopard. La guerre des Gaules, devrait être vue comme le compte-rendu d’une agression colonialiste, et, en passant quelques siècles pour éviter, en particulier, de parler de Mohammed et de ses chevauchées, la conquête des Amériques a été le pire des crimes contre l’humanité. Il faudrait donc que l’Europe fasse son mea-culpa et exige d’Etats comme l’Argentine, le Brésil, le Vénézuela…et les États-Unis ou le Canada, qu’ils reconnaissent être le résultat scandaleux de la destruction de peuples indigènes et que les premiers colons, leurs aïeux, étaient des criminels contre l’humanité. Les conquistadors et les explorateurs n’étaient pas des tendres, mais leurs actions n’ont fait sourciller aucun gouvernement et aucune référence morale ou religieuse de leur époque, car dans la philosophie d’alors, ce qu’ils faisaient était légitime.
La colonisation n’a rien été d’autre qu’une conquête de territoires avec domination du vainqueur sur le vaincu, comme cela s’était toujours produit par le passé et comme cela se produira, sans doute, encore. Sinon il faudrait mettre au rang des criminels contre l’humanité des gens qui, jusqu’à présent, paraissaient respectables. J’en cite quelques uns. Victor Hugo, en 1879, Dieu donne la terre aux hommes, Dieu donne l’Afrique à l’Europe (désormais à bannir de notre littérature); Émile Zola, en pleine affaire Dreyfus, sur l’occupation de terres en Algérie, Ce royaume appartiendra au laboureur qui aura osé le prendre, s’y tailler, à son gré, un domaine aussi vaste que sa force de travail l’aura créé (son nom et son œuvre sont à ôter des manuels scolaires); Jean Jaurès, lui aussi, à propos du Maroc, La France a autant de droit de prolonger son action économique et morale qu’en dehors de toute violence militaire, la civilisation qu’elle représente en Afrique auprès des indigènes est certainement supérieure à l’état présent du régime marocain (avant que ne soit éliminé de notre histoire ce discret et odieux colonialiste, sachez aussi qu’il n’était pas un pacifiste bêlant qui aurait accusé ceux qui voulaient la guerre de criminels. Il se rallia, quelques jours avant sa mort, à la nécessité de ce conflit – pour votre info, il appartenait à une famille de militaires – de marins – et son fils sera tué, comme sous-lieutenant à la tête de sa section, en 1918.), Léon Blum, devant les députés, le 9 juillet 1925, Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles, celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l’industrie (de la part d’un socialiste c’est évidemment ignoble!). Et bien d’autres…
Je déduis de votre discours, monsieur Macron, que « votre génération », considère que l’histoire est une succession de crimes contre l’humanité.
L’histoire n’est pas un long fleuve tranquille; elle est le parcours de l’Homme dans le temps. Or, les conséquences de vos propos en font un perpétuel génocide et nos chefs d’État d’autrefois et nos ancêtres des criminels de guerre. En réalité vous banalisez dangereusement l’expression « crime contre l’humanité ».
Votre affirmation répond à une mauvaise politique. La colonisation ne doit pas être confondue avec les massacres que le XXe siècle a connus. Ce n’est pas parce que le suffixe est identique que le colonialisme doit être aligné sur le nazisme, le communisme, le fascisme ou l’islamisme. Il s’agissait, ou il s’agit encore, pour l’islamisme, d’idéologies criminelles, visant à modifier l’homme et à l’empêcher de penser autrement que selon la doctrine de référence. La colonisation n’a jamais voulu ça. Elle poursuivait plusieurs objectifs. Certes, elle convoitait les richesses que recelaient des territoires lointains aux populations peu structurées, ou, s’agissant de la conquête de l’Algérie, elle visait à mettre un terme aux actes de piraterie perpétrés depuis Alger et à l’anarchie d’un territoire à l’abandon, mais elle était aussi porteuse d’humanisme. Personnellement, depuis le CM2, j’ai en mémoire, l’image du sergent Malamine, sénégalais, faisant, avec Brazza, embrasser nos trois couleurs à un assujetti de cette région qui allait devenir le Congo, en lui disant: « embrasse le drapeau français et tu seras libre ». Plus tard j’ai appris que le Sénégal, par ses 4 communes, Rufisque, Dakar, Gorée et Saint-Louis, envoyait des députés à l’assemblée nationale et que la loi Diagne, en 1916, conféra, à tous leurs habitants, la pleine citoyenneté française. D’autres communes suivirent. Blaise Diagne, originaire de Gorée fut le premier Africain sous-secrétaire d’État aux colonies. Mais, selon votre pensée, c’était sans nul doute un « collabo ». Il précéda d’autres Africains colonisés dans ces fonctions de ministre de la République Française. De parfaits criminels eux aussi? Enfin il me revient que nous devons le mot Francafrique à un colonisé, Félix Houphouët Boigny. J’aurais bien d’autres exemples sur ces méfaits supposés de la colonisation, en Indochine et ailleurs dans ce que nous appelions l’Empire…
Aujourd’hui, les formes de domination sont devenues plus subtiles. Le crime existe et se fait discret.
Qui, aujourd’hui, croira que les opérations conduites au Moyen-Orient ont uniquement pour but de combattre l’État islamique? Doit-on être convaincus que les actions chinoise, états-unienne, britannique, japonaise ou encore allemande, et même la nôtre, sur le continent africain ou ailleurs dans le monde sont désintéressées? À quoi doit-on comparer cette volonté, de plus en plus évidente, de substituer le consommateur au citoyen dans l’Union Européenne? Que dire du Grand marché transatlantique initié par les États-Unis et de leur volonté d’établir sur le monde une même façon d’être? Et surtout que dire de l’islamisme, de l’islam, qui s’insinue, en France et en Europe, sous l’impulsion d’États médiévaux, avec comme objectif affirmé d’instaurer la charia et de nous convertir ou de nous faire disparaître? Les moyens de domination ont changé, mais in fine, voyez-vous, je préfère l’époque coloniale. Malgré quelques abus, dont la corvée, dévoilés par ceux-là même qui participaient à cette prodigieuse aventure, elle s’est révélée un véritable humanisme. Sinon je ne crois pas que l’Algérie, au moment de l’indépendance, aurait été avec l’Afrique du Sud, la région la plus développée du continent. Je ne crois pas, non plus, que la population africaine se serait autant multipliée, qu’il y aurait autant d’hôpitaux, de routes, d’écoles, de diplômés, de villes et d’administrations dans cet immense territoire, parcouru, à l’origine par mille ethnies qui se chamaillaient. Sinon, je ne comprendrais pas que tant d’anciens colonisés souhaitent venir en France pour étudier ou travailler. Enfin permettez-moi de me demander, si l’Afrique du nord était encore sous le joug colonial, si l’on vendrait des esclaves en Libye et ailleurs.
Je ne voudrais pas faire de peine à certains, mais l’Africain, globalement, assume le fait colonial.
L’anticolonialisme est surtout une attitude de bobos blancs, de pseudos branchés, d’idéologues incultes, qui, par opportunisme ou imbécilité, ont tendance à juger le passé avec le regard de maintenant.
Pour mon pays, j’espère que vous ne vous inscrivez dans aucune de ces catégories et que vous atténuerez – vous avez suffisamment de souplesse pour le faire – la portée de votre propos.
Général (2S) Henri ROURE
ancien officier des Troupes de Marine
fils et petit-fils de Coloniaux
Site de rediffusion : www.asafrance.fr