C’est Le Point qui, la semaine passée, a ouvert la boîte à malice en révélant que Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur de 2009 à 2011, avait tendance à abuser des services de protection qui lui sont alloués.
Deux équipes se succèdent pour protéger en permanence ce grand ami de Nicolas Sarkozy et lui servir de… chauffeur. C’est le nombre d’heures de conduite de l’un d’entre eux, déclaré en septembre dernier, qui a alerté le « bureau de gestion opérationnelle ». Interrogé, le fonctionnaire a alors révélé qu’il ne se contentait pas de « chauffer » le ministre mais devait régulièrement transporter sa petite famille, à savoir « sa mère, son épouse ou ses trois enfants, parfois de Paris à Clermont-Ferrand ». À nos frais, cela s’entend. « À 80 %, les déplacements ne concernent que moi », se défend Hortefeux, à qui le ministère a toutefois demandé de trouver d’autres nounous pour sa famille.
Hortefeux et ses chauffeurs, c’est un peu comme Fillon et les emplois fictifs : il ne voit pas où est le problème. Ben quoi, tout le monde en fait autant, non ? Hélas oui, et Le Parisien s’est amusé, ce mercredi, à faire une petite liste des indélicatesses les plus criantes de toutes ces personnalités bien protégées.
Elles sont plus de 120 au total, personnalités françaises ou étrangères, mobilisant 1.400 fonctionnaires pour leur sécurité. Sont bien sûr protégés le Président et son gouvernement, les anciens Présidents, leurs Premiers ministres et les anciens ministres de l’Intérieur. À chacun sont affectés en permanence quatre agents, pour un coût qui laisse songeur : la Cour des comptes l’a récemment chiffré à 71.978 euros par fonctionnaire et par an.
Pour les autres personnalités non gouvernementales, c’est au gré des fonctions et du moment.
Exemple la véhémente Dounia Bouzar, « l’icône de la déradicalisation », comme la surnomme Le Parisien, qui traite ses anges gardiens comme on ne le fait plus de sa bonne, leur demandant même des travaux de secrétariat. Ou encore Édouard Balladur, plus monarque que jamais, qui demande régulièrement aux policiers qui assurent sa protection « de sortir son chien » et même « de cirer ses chaussures ». L’entourage assure que « non, pas les chaussures », mais une source policière confirme néanmoins. Preuve supplémentaire qu’on ne rechigne pas à utiliser ce petit personnel à des tâches subalternes : « Récemment, l’ex-chef du gouvernement a été aperçu chez un fleuriste du quartier Passy à Paris. Le policier portait le bouquet. »
Autre champion de l’indélicatesse : Michel Charasse. Ce grand bouffeur de curé devant l’Éternel, au point qu’il refusa d’entrer dans l’église pour les obsèques de son ami Mitterrand, fut ministre du Budget jusqu’en 1995 mais protégé jusqu’en… 2013 ! Aligné, lui aussi, par la Cour des comptes, les rapporteurs signalent que « lors de son retour à son domicile du Puy-de-Dôme, le week-end, Michel Charasse mettait à disposition de ses anges gardiens un pied-à-terre. Tout en faisant prendre en charge le loyer par le contribuable, à hauteur de 121,96 € mensuels. » Dans ce style qui n’appartient qu’à eux, les sages jugent la manœuvre « regrettable », déplorant « qu’une personnalité protégée […] ait tiré profit de la location du logement des agents affectés à sa sécurité ». Une broutille pour un monsieur qui a fait déplacer des lignes à haute tension qui passaient trop près de son terrain… (information confirmée à l’époque par le responsable régional de l’EDF).
Voilà donc pour les abus des grands. Hélas, ils ne sont pas les seuls à abuser : les petits aussi. Et j’en finirai par cette anecdote. Un ami qui habitait Senlis recevait régulièrement les confidences du chauffeur du sous-préfet, lequel chauffeur, excédé, en avait plus que marre de devoir conduire Madame à Paris pour ses emplettes… et lui servir de porteur.
Comme quoi, anciens de la Place Beauvau ou sous-préfets aux champs, tout le monde en profite !
Marie Delarue – Boulevard Voltaire
Parmi les proches de l’actuel président, le député Richard Ferrand est dans le viseur. Ce dernier ne se séparerait ainsi jamais de son officier de sécurité, utilisé comme chauffeur. Le Parisien s’interroge : de quelles menaces verbales ou physiques Richard Ferrand fait-il l’objet pour se voir attribuer un garde du corps ?
Toutes ces anecdotes peuvent prêter à sourire. Sauf que ces écarts ont un coût non négligeable que la Cour des comptes a déjà relevé dans différents rapports. Dans le langage policier, on évoque une «protection de confort» estimée à 10% du total des personnalités protégées (hors Elysée, cela représente environ 120 personnes). Selon la juridiction financière, le coût moyen annuel d’un officier est de 71879 euros et peut monter jusqu’à 100000 euros.