Si l’on connaît bien le vin comme objet de dégustation ou prétexte à libations, il ne faudrait pas oublier que pour les catholiques que nous sommes, il est également sujet théologique, matière à exégèse, support de méditation. C’est la vérité simple que nous rappelle le théologien François Orfeuil, qui vient de faire paraître aux discrètes éditions Saint-Léger Ils sont pleins de vin doux, qui parcourt plusieurs millénaires de tradition vétérotestamentaire puis chrétienne.
Le vocabulaire de la vigne et du vin est omniprésent dans l’Ancien Testament, matériau d’une sagesse populaire qui tire ses leçons spirituelles des réalités du quotidien : le blé, le figuier… la vigne. Le Nouveau Testament vient, bien entendu, s’appuyer sur ce fond, transcendé par l’exemple et l’enseignement du Christ. Ne cherchons pas plus loin l’insigne respect dont témoignaient nos ancêtres envers le pain et le vin. Nous ne pouvons traiter à la légère ce qui sert, chaque jour, à faire descendre Notre Seigneur sur l’autel, à le rendre présent à tous ceux qui le reçoivent. Voilà qui devrait susciter de graves réflexions à ceux qui maltraitent le pain qu’ils mangent et le vin qu’ils boivent. Quant à la vigne elle-même, le Seigneur lui a donné ses plus hauts titres de noblesse en déclarant : « Je suis la vigne véritable et mon Père est le vigneron », avant d’ajouter « Je suis la vigne ; vous, les sarments ». François Orfeuil ne se limite pas à parcourir attentivement les textes bibliques. Une large partie de l’ouvrage est consacrée aux écrits des Pères de l’Eglise puis aux traditions de l’Eglise vis-à-vis de la vigne et du vin, des premiers siècles à nos jours.
A l’homo modernicus, harassé et broyé, saint Basile de Césarée offre une belle parabole viticole : « Une âme est sarclée quand elle écarte d’elle les soucis du monde qui sont un fardeau pour nos cœurs. Ainsi celui qui écarte de lui-même l’amour de ce monde et l’attachement aux richesses ou qui tient pour détestable et méprisable la passion pour cette misérable gloriole a pour ainsi dire été sarclé, et il respire de nouveau, débarrassé du fardeau inutile des soucis de ce monde. » Et terminons par ces vers magnifiques de saint Venance Fortunat sur la sainte Croix : « Entre tes bras s’enlace la Vigne, d’où coule pour nous, En abondance le doux vin qui a la rougeur du sang. »
Ils sont pleins de vin doux. La vigne et le vin dans la Bible et la tradition chrétienne. Editions Saint-Léger. 18 euros
Pierre Saint-Servant – Présent