De l’athéisme à l’Islam, Faouzi Tarkhani, un enfant de Sarcelles qu’une balle de pistolet a aveuglé un soir de l’hiver 1987, raconte sa quête spirituelle. De son athéisme affiché à son envie un jour de se convertir au christianisme, il trouve dans ses enquêtes scientifiques des signes divins dans l’univers, et finit par embrasser l’Islam.
« J’avais développé vis-à-vis des religions une défiance ironique qui me faisait sourire quand on me parlait de miracles, d’interdits. De fait, moi l’infirme, comment pouvais-je croire au Dieu miséricordieux ? Malgré mon jeune âge, j’étais déjà un fin connaisseur de la nature humaine et je n’y voyais que noirceur. Nous n’étions qu’une anomalie dans l’univers et à force de massacres, nous disparaîtrions un jour dans l’indifférence du ciel et des étoiles. »
Après une expérience dans de la musique, il se tourne vers la salafiya, l’Islam des origines, porte barbe et vêtements longs et ne demande qu’à vivre sa foi dans la paix et l’indifférence. Simplement… « Lorsque survint le 11 septembre 2001, nous comprîmes qu’avec ces tours, notre tranquillité s’était écroulée. L’attentat était spectaculaire. Je me demandais si l’ingénieur du son qui avait mixé mon album à New York, et qui tant de fois m’avait froissé les muscles au bras de fer, faisait partie des victimes. J’étais à Sarcelles dans le salon, occupé à gratter une barbe naissante, tentant de décrypter les images qui tournaient en boucle à la télévision. Quand mon père vint me décrire celui que l’on soupçonnait d’être à l’origine de ces attaques, je me dis : “Faouzi, tu es dans la mouise. Tu n’as pas la même idéologie que ce type, mais vous portez le même costume et, en période de guerre, on ne fait pas de détails.” »
Le jour où les tours jumelles sont intégralement détruites par deux avions détournés, la vie de Faouzi Tarkhani bascule. Aux yeux de ses concitoyens, il n’est plus un musulman paisible, mais un présumé islamiste. Sa barbe et sa djellaba le condamnent, même s’il dénonce avec force les attentats, ainsi que toutes les violences.
Lui qui ne réclame qu’un droit à l’indifférence, sait qu’en tant que musulman, Arabe de sexe masculin et banlieusard, il incarne le « mal absolu » en France comme dans bien des endroits dans le monde.
« La foi m’est tombée dessus, comme Obélix est tombé dans la marmite. » Faouzi Tarkhani a délaissé le rap depuis longtemps, mais il conserve intact le sens de la punchline. Comme l’ancienne rappeuse Diam’s – dont il est le compagnon –, il s’est converti au salafisme. Et comme l’ancienne rappeuse Diam’s, il publie une autobiographie aux éditions Don Quichotte. Pour l’un comme pour l’autre, l’orthodoxie religieuse a remplacé la violence et les excès de la scène hip-hop.(…)
Les salafistes sont rares à prendre la parole publiquement. Faouzi Tarkhani s’est retiré de la scène rap, mais ne s’est pas tu pour autant. Le 27 novembre 2015, il a signé sur Rue89 une tribune au titre provocateur : « Je suis devenu salafi grâce à l’école de la République. » Un an plus tard, il publie son autobiographie (Mal vu, éd. Don Quichotte) dans laquelle il raconte son enfance, l’accident qui lui a fait perdre la vue, son parcours à l’Institut national des jeunes aveugles et sa rencontre avec la religion. Sa foi, dit-il, s’est imposée à lui comme une forme d’évidence scientifique et irréfutable. « Le véritable obscurantisme aujourd’hui, c’est de ne pas croire en Dieu », avance-t-il, sûr de sa croyance. Défendant une pratique religieuse « orthodoxe » et pacifique, il revendique le droit de vivre comme il l’entend, même en marge de la société. « Je prie pour qu’il n’y ait pas d’autres attentats », promet-il. Quant aux sceptiques qui confessent ne croire en aucun dieu, il leur conseille de lire Pascal. Magie de la conversion au salafisme : on peut avoir été rappeur et s’inquiéter de la faible place dévolue aux émissions religieuses à la télévision…
Mal Vu, témoignage d’un salafiste qui condamne le terrorisme, Don Quichotte, novembre 2016, 208 pages, 16,90 euros.