Silence

Le dernier film de Scorsese explore le mystère de la foi “Silence” est l’adaptation à l’écran du livre de Shusaku Endo sur les missionnaires jésuites. Martin Scorsese a caressé passionnément pendant des années le projet d’adapter Silence, un livre de 1966 sur des missionnaires jésuites du XVIIe siècle. Même s’il a semblé, pendant un moment, que le film ne se ferait jamais, avec l’annonce d’un casting complet, encore indicatif toutefois, et d’un tout nouveau script offert par The Film Stage, sa distribution pour 2016 est bien partie.

Le roman est de Shusaku Endo, un auteur peu diffusé et connu comme le « Graham Greene japonais ». Tous deux ont fait passer dans leurs livres un héritage catholique commun – non par prosélytisme, mais pour mettre à nu les faiblesses et les contradictions de l’homme. Avec Silence, Endo nous ramène quatre siècles en arrière, dans un Japon où les chrétiens convertis sont torturés et massacrés – s’interrogeant ainsi sur l’étroite frontière qu’il y a entre la connaissance de la foi et le mal.

Scorsese sur les traces de grands écrivains

Face à ce conflit, Scorsese écrit, dans une première mouture, que Silence lui a apporté « une sorte de soutien rarement rencontré dans des œuvres d’art » : « Comment raconter l’histoire de la foi chrétienne ? Les difficultés à croire ? Comment décrire ce combat ? Bon nombre de grands écrivains du XXe siècle s’y sont employés – Graham Greene, bien sûr, mais aussi François Mauriac, Georges Bernanos… [Endo] a compris le conflit entre le besoin de croire et la voix de l’expérience – qui presse sans cesse le croyant, dans ses questionnements, à adapter ses croyances au monde dans lequel il vit, à sa culture… Ce paradoxe peut s’avérer extrêmement douloureux, dénuant croyance et questionnement de toute éthique. Je crois toutefois que les deux vont de pair, se nourrissent mutuellement. Les questionnements peuvent entraîner une profonde solitude, mais s’ils coexistent avec la foi, ils peuvent aboutir à une joie profonde dans la communion. C’est ce passage douloureux, paradoxal, de la certitude au doute et de la solitude à la communion, qu’Endo comprend si bien et rend avec tant de beauté dans Silence. »

Quand viendra mon propre martyre ?

Dans l’essai qui a suivi l’annonce de la distribution du film, Scorsese développe la puissance de l’histoire et sa transcription au cinéma : le roman d’Endo traite du mystère de la foi chrétienne, et de façon plus large, de la foi en tant que telle. Rodrigues apprend, par petites étapes douloureuses, que l’Amour de Dieu est plus mystérieux que ce qu’il pense et qu’Il est toujours présent… même dans Son silence. Quel rôle je joue, se demande Rodrigues ? Pourquoi me garde-t-on en vie ? Quand viendra mon martyre ? Il ne vient bien sûr pas, de sorte qu’il jouera un rôle très différent de celui auquel il s’attendait. Il ne suivra pas les traces de Jésus. C’est l’accomplissement le plus douloureux.

Comment traduire en images et en actions les dernières pages d’un roman aussi abstrait que Moby-Dick ou L’Idiot ? Comment filmer ces sensations intérieures, faire passer le mystère de la foi et les voies de Dieu ? En faisant le film, à Taïwan, avec les acteurs et le cameraman et le directeur artistique, en travaillant le montage et le mixage, et en décidant que c’est fini. C’est, plus globalement, le cinéma qui apporte la réponse, par sa manière de nous guider vers ce qu’on ne voit pas.

Avec notre premier Pape jésuite à la tête de l’Église, et la guerre mondiale contre les chrétiens qui prend partout des proportions de crise, l’attente de ces 20 années peut finalement avoir été plus providentielle que problématique, et Silence s’avérer être le film le plus important de la carrière de Scorsese.

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