Après la déferlante des tutos de maquillage et de coiffure, c’est le hauling qui cartonne sur YouTube. Dans ces vidéos très girly, des jeunes-filles de 13 à 25 ans déballent face caméra, le contenu de leurs virées shopping ou de leur trousse de maquillage. Ces vidéos appellées hauls passionnent les ados aussi bien que les marques. Si vous n’avez jamais entendu parler de haul (traduction : butin) ou de hauling, c’est que vous n’avez pas d’adolescentes à la maison.
Cette tendance apparue sur YouTube il y a trois ans aux USA et au Canada, a depuis gagné le reste du monde. En France, les hauleuses les plus populaires organisent même des tournées pour rencontrer leurs fans. C’est le cas de Léa, YouTubeuse depuis 3 ans et dont la chaîne Jenesuispasjolie représente une communauté de 184 000 abonné(e)s et une audience globale de près de 11 millions de vues. « Pendant mes dernières vacances, je suis allée à la rencontre de mes abonnées à Paris, Nantes, Rennes et Lyon. On était pas loin de 300 à 350 filles parfois. On se retrouve dans les endroits publics. Je leur apporte des cadeaux, on fait des photos, on discute. J’aime beaucoup cette dimension humaine. »
Qu’ils soient amateurs ou semi-pros, ces « vlogs » (vidéoblogues) de mode et de beauté, commencent à faire la loi dans les collèges et les lycées où la popularité se mesure en nombre de selfies et en likes. Et le sujet s’invite même à la table familiale. « Depuis que ma fille regarde ces hauls sur YouTube, il n’y a pas une journée sans qu’on parle de mode, de shopping et donc de dépenses », témoigne la maman de Laura, 15 ans. « Heureusement, la plupart des achats se font avec son argent de poche. Il faut donc qu’elle gère. Mais je m’interroge sur ce phénomène qui risque de créer de la frustration et une certaine dépendance ».
Le vlog, nouveau journal intime de la génération Y
Relation à l’argent, dépendance, popularité et culte de l’apparence, on retrouve dans le hauling des problématiques propres à l’adolescence. Faut-il s’en inquièter ? Pas forcément car, à y regarder de plus près, ces vlogs ressemblent beaucoup au journal intime d’une génération nourrie au web et aux images. Confidences, témoignages, conseils, partage de bons plans, ces vidéos créent de véritables communautés dans lesquelles les jeunes-filles échangent librement sur les problèmes de leur âge. Consciente de son influence sur ses abonnées, Léa prend son rôle de grande soeur au sérieux. « Je fais très attention à ce que je dis dans mes vidéos. Par exemple, si je veux parler d’alimentation, je vais d’abord interroger mon médecin ou un nutritionniste. C’est important de comprendre l’effet de ce que l’on dit sur les gens. D’ailleurs, plusieurs mamans m’ont déjà contactées pour me remercier et me dire combien leurs filles se sentaient mieux grâce à mes vidéo ».
Des communautés courtisées par les marques
Archi connectées, passionnées de mode et de beauté, totalement décomplexées face à la caméra, toutes ces YouTubeuses et leurs abonnées constituent une véritable petite armée de consommatrices averties, dont le pouvoir ne cesse de s’affirmer. Aux Etats-Unis où le hauling a commencé, Kit Yarrow, ethnologue et psychologue spécialisée dans la consommation, a étudié le phénomène et publié un livre sur le sujet, Gen BuY. Un titre court qui en dit long sur la façon dont les ados et les moins de 30 ans révolutionnent les modes de consommation. Moins narcissiques et moins formatées que leurs consœurs bloggeuses, les hauleuses deviennent les coachs mode et beauté de dizaines de milliers de jeunes-filles, prêtent à sacrifier leur argent de poche pour s’offrir le dernier top repéré sur un haul.
Les marques m’envoient des tas de produits pour que je les teste
Flairant le filon, les marques n’ont pas tardé à courtiser ces communautés de consommatrices, comme aux États-Unis où l’enseigne Forever21 a lancé en 2010, un concours de hauls. Autre exemple, le grand magasin JCPenney qui n’a pas hésité à offrir 1000 dollars de shopping à une poignée de YouTubeuses influentes en échange de leurs vidéos. En France, il suffit de s’abonner à une de ces chaînes de hauling pour se voir proposer des bons de réduction ou un jeu concours. De simples hauleuses, les YouTubeuses les plus rentables passent vite dans la catégorie de partenaires des marques avec lesquelles elles signent des contrats. « Les marques m’envoient des tas de produits pour que je les teste mais je reste libre de mes choix. Je reste objective dans mes commentaires », précise Léa.
Et même si les chaînes des petites françaises ne sont pas aussi bankables que les américaines, YouTube leur propose une rémunération mesurée en fonction de leur audience et de l’importance de leur communauté. Ces petites hauleuses sont-elles les nouvelles entrepreneuses du net ou simplement le symbole de cette génération Y ?
Ce qui est sûr c’est qu’avec le web, les rêves des jeunes-filles ont bien changé.