Avant même l’entrée dans la pyramide, l’échec de l’ensemble du projet de nouvel accueil du Louvre est patent. Car le musée vient de dépenser 53,5 millions d’euros pour refaire l’entrée sous la pyramide et notamment diminuer l’attente à l’extérieur. Tout cela sort de notre champ, mais on peut tout de même remarquer qu’aujourd’hui, mercredi 7 juillet vers midi, les files d’attente étaient toujours là , tout comme le bruit et la confusion sous la pyramide…
Ce qui nous concerne pleinement, en revanche, ce sont les nouvelles salles du pavillon de l’Horloge pompeusement appelées « centre d’interprétation ». Après la visite de chantier qu’avait organisée Jean-Luc Martinez l’année dernière, on ne s’attendait vraiment pas à grand-chose. C’est encore moins que cela. Mais pas économique : 7 millions d’euros, pas moins, ont été dépensés pour arriver à ce résultat ; de l’argent bien mal dépensé, ce qui n’étonne plus guère au Louvre de nos jours.
Les quatre salles réparties sur trois niveaux n’interprètent rien, ou alors en jouant faux. À commencer par l’histoire du Louvre. Alors que cette section passionnante bénéficiait naguère de deux grands espaces situés non loin de l’entrée par la pyramide, et que depuis trente ans de très nombreuses acquisitions avaient été effectuées, les deux nouvelles salles au sous-sol du pavillon de l’Horloge en montrent beaucoup moins, et plus du tout les esquisses préparatoires aux plafonds du musée. C’est une histoire très partielle du Louvre qui est désormais présentée, et il serait bien étonnant que les visiteurs y comprennent quelque chose. La part belle est donnée à une maquette du Louvre qui s’allume et qui s’éteint. C’est ravissant, mais cela ne dit rien et n’apprend pas davantage.
Avant d’arriver dans cette salle qui donne sur deux ascenseurs (bien malin sera le touriste qui comprendra qu’il doit alors revenir sur ses pas pour voir la seconde salle du même niveau), on passe par le Louvre médiéval. Et là surprise ! Le sol qui était aménagé avec une passerelle en bois, a été entièrement refait en béton, de manière très médiocre. Il faut espérer que la salle du donjon ne connaîtra pas la même évolution.
Quant à la deuxième salle « d’interprétation », il s’agit de la salle Saint-Louis, la plus belle qui reste encore du Louvre médiéval, qui aurait pu s’épargner le mobilier d’exposition qui lui a été ajouté.
Malgré tout, ces espaces consacrés à l’histoire du Louvre sont extraordinaires si on les compare à ce qui suit : la chapelle au premier étage et l’ancienne salle de la collection Beistegui au deuxième. Dans la chapelle, privant ainsi le musée d’un lieu parfait pour les expositions-dossier, on trouve un dispositif censé expliquer la manière dont le Louvre a constitué ses collections. Le Louvre-Lens était une espèce de condensé du Louvre, voici le condensé du condensé. On y présente quelques œuvres, une ou deux par département, qui n’expliquent et ne démontrent rien. On ne comprend même pas comment le choix a été fait. Ce n’est ni un « best of », ni un échantillonnage tant la sélection est réduite. Bonne chance aux visiteurs qui comprendront sans même parler d’y apprendre quelque chose. Prenons un exemple : pour les peintures, on voit le Saint Sébastien de Guido Reni (ill. 5). Pourquoi ce tableau, pourquoi pas un autre ? Le cartel explique qu’il provient de l’ancienne collection de Louis XIV, « qui appréciait particulièrement la peinture italienne » et qu’il fut exposé dans la grande galerie en 1793 après avoir été conservé à Versailles pendant plus d’un siècle. Et ? Et rien. Mais c’est un peu plus, tout de même, que les informations qui accompagnent les trois tableaux de Delacroix du legs Thomy-Thiéry exposés ici. Pourquoi Delacroix ? Pourquoi trois peintures ? Pourquoi Thomy-Thiéry ? Peu importe, il s’agit surtout de meubler.
Au deuxième étage, on trouve une « salle d’actualité » qui présente « le Louvre d’aujourd’hui et de demain ». Compte tenu du vide intellectuel qui y règne, on a de quoi s’inquiéter pour le Louvre de demain (celui d’aujourd’hui, on sait à quoi s’en tenir). On est censé y apprendre des choses sur les fonctions du musée : « conserver, acquérir, restaurer, étudier, exposer, fouiller, rénover, accueillir, partager, inspirer (sic) ». Quelques très rares œuvres accompagnent cette démonstration laborieuse. Là encore, on est dans la culture du « best of », de l’échantillonnage, alors que parallèlement toutes les véritables expositions liées à l’actualité (tableau du mois, actualité du département des arts graphiques, objet d’art de la saison, etc.) ont disparu des salles. Même les inévitables bornes interactives qui, dans certains cas, peuvent avoir un intérêt, sont nulles. Prenons celle consacrée aux acquisitions : elle ne présente que la même sélection. Et, de toute façon, elle ne fonctionne pas (dans cette salle, deux bornes sur quatre ne marchent pas).
Seule une chose fonctionne dans cette salle : la maquette du Louvre Abu Dhabi. Il aurait été dommage de ne pas faire la propagande pour ce projet, grâce auquel on a droit à ces nouvelles salles si passionnantes désormais appelées : « Centre Sheikh Zayed bin Sultan al Nahyan »…
Ainsi va le Louvre aujourd’hui, qui dépense 7 millions d’euros (7 millions d’euros !) pour rien. Mais un rien dont le commissaire général n’est autre que Jean-Luc Martinez, président-directeur du Louvre.