Le débat sur la possibilité, pour le grand public, d’accéder à des outils sérieux de cryptographie qui lui garantissent une parfaite sécurité dans ses communications ne date pas d’hier. Les moins jeunes d’entre nous se souviennent de l’époque, pas si reculée, où les outils de crypto étaient considérés par l’administration française comme des « armes de guerre ». Puis vint le Web (nous célébrions, samedi, les 25 ans de la publication, par sir Berners-Lee, de la première page Web). Et avec le Web la nécessité d’outils de cryptage généralisé.
Souvenons-nous aussi de l’excellent Phil Zimmermann, qui faillit le payer de sa liberté lorsqu’il mit à la disposition du public l’extraordinaire PGP (Pretty Good Privacy), devenu depuis GPG (GNU Privacy Guard), qui est toujours ce qui se fait de mieux en termes de crypto. Pendant longtemps, certaines versions de PGP restèrent interdites à l’export hors des États-Unis !
Aujourd’hui, la crypto est partout, même lorsque vous n’y pensez pas. Vous commandez un bidule sur le Net ? La communication au moment de l’achat est cryptée. Vous envoyez sur WhatsApp un cœur vibrant à votre nouvelle secrétaire aux poumons avantageux ? Crypté ! Vous vous connectez au serveur de votre banque ? Crypté encore.
Le débat sur la crypto revient sur le tapis depuis qu’on a découvert que l’organisation État islamique utilisait Telegram pour fomenter la plupart de ses attentats. C’est un débat d’une naïveté et d’un amateurisme qui me font frémir. Débattrait-on de l’opportunité, pour le grand public, d’acheter des clous et des vis, depuis qu’on sait que les bombes artisanales en sont remplies pour faire le plus de dégâts possible ? Débattrait-on de l’opportunité, pour le grand public, d’acheter des voitures depuis qu’on sait qu’elles peuvent être piégées et tuer 50 personnes en une fraction de seconde ?
Le véritable débat à avoir, si l’on accole les mots « terrorisme » et « cryptographie », c’est celui des moyens légaux mis à la disposition des forces de l’ordre.
Les gendarmes n’arrivent pas à pénétrer le principal outil de communication des djihadistes (Telegram), et ce, pour une raison qui risque de vous faire hurler….
Écoutons ce que nous dit le gendarme d’une cellule de veille antiterrorisme sur Internet, interrogé par Canal+, dans le cadre d’un documentaire sur les djihadistes : « – Pour avoir accès au contenu de Telegram, il faut avoir soi-même un compte Telegram. On ne va évidemment pas l’ouvrir sous l’identité colonel Machin, gendarmerie nationale, sinon ça n’aurait pas de sens, pas d’utilité, donc il faut pouvoir l’ouvrir sous un pseudonyme. Or, même si ça paraît évident pour tout citoyen, l’ouverture d’un compte Telegram ou Facebook sous pseudonyme est extrêmement encadrée en droit français. On ne peut pas le faire en n’importe quelles circonstances. Des gens qui, entre guillemets, se contentent de faire l’apologie du terrorisme, ils ne se préparent pas à commettre un attentat, en tout cas pas de façon prouvée, pas de façon évidente… et là, on n’a pas le droit d’utiliser un pseudonyme.
– Mais c’est un énorme frein à l’enquête, ça !
– Absolument.»
Une fois de plus, c’est donc ce fameux « État de droit » qui empêche la France de se protéger… Des lois idiotes, surannées, inadaptées aux guerres modernes, occasionnent des ratés qui font des centaines de morts par an sur notre territoire.
La prochaine fois qu’un député un peu benêt vous dira qu’il faut réglementer les outils de cryptage, vous saurez quoi lui répondre.
Et en attendant, sachez protéger, vous aussi, vos communications. Quelques outils en vrac :
– WhatsApp (désormais crypté, mais appartenant à Facebook)
– Telegram
– Wire
– Signal
Et pour l’email, le génial ProtonMail, incontournable, ou Virtru, si vous préférez conserver votre adresse mail habituelle.
Robin de La Roche – Boulevard Voltaire