Par Alain Sanders*
L’Aiguille creuse, l’un des romans les plus attachants de la série des « Arsène Lupin », parait en feuilleton dans Je sais tout de novembre 1908 à mai 1909. Il paraitra en librairie, édité chez Lafitte , le 15 Juin 1909 (avec quelques modifications dans le découpage du récit et les titres des chapitres).
En novembre 1916, réédition, toujours chez Lafitte, avec d’autres modifications : le cocher de l’histoire initiale est devenu chauffeur et sa calèche s’est transformée en coupé quatre places. A noter que Maurice Leblanc acceptera pour la réédition de 1939, quelques coupures et des modifications afin que le livre puisse entrer dans la collection « Bibliothèque de la Jeunesse » des éditions Hachette.
La saga d’Arsène Lupin, créée en 1904, débute par une aventure qui sentait pourtant la fin de l’aventure : L’arrestation d’Arsène Lupin. Mais le succès est tel que Maurice Leblanc écrira une vingtaine de romans ayant pour héros le gentleman-cambrioleur. Ils s’étendent sur trente ans.
Le portrait d’Arsène Lupin ? Il est né en 1874, d’un professeur de boxe pas très honnête. Et de Mlle d’Andrésy (décédée en 1886). Trois fois marié, Arsène Lupin aura deux enfants. Certains chercheurs pointilleux ont déterminé que Lupin serait un descendant de Napoléon. Ce qui lui aurait permis – secret d’Etat depuis de siècles – de tout savoir du trésor caché d’ l’Aiguille creuse.
Ce qu’on aime chez Lupin ? Son indéfectible patriotisme. On rappellera à ce propos que, dans plusieurs des romans, il explicite son souci d’aider à la récupération de l’Alsace-Lorraine et d’œuvrer à la sauvegarde et la défense de la France.
Dans L’Aiguille creuse, tout débute avec le vol, par Lupin, des statues d’une chapelle gothique dans le parc du château d’Ambrumésy (près de Dieppe). Il reviendra plus tard dans ce même château pour décrocher les Rubens d’un méchant homme, le comte de Gesvres. Au cours de cette opération, il est blessé. Et même donné pour mort.
Un jeune élève de rhétorique, Isidore Beautrelet, s’intéresse de près à l’affaire. Tandis qu’il cherche, Lupin multiplie les enlèvements : Mlle de Saint-Véran (qui l’a blessé lors du vol des Rubens) ; Sherlock Holmes soi-même ; son vieil ennemi, le commissaire Ganimard ; le père du jeune Beautrelet. Cela n’empêchera pazs Isidore de poursuivre son enquête et de découvrir le repaire de Lupin. Et son scret : l’aiguille d’Etretat est creuse. Ce dont personne ne se doutait. Elle sert, depuis des siècles, de cachette au fabuleux trésor des rois de France. Une sote de coffre-fort que Lupin, grand seigneur et patriote convaincu, lègue à la République continuatrice faillie, mais continuatrice tout de même de la France.
Dans L’Aiguille creuse, Arsène Lupon déclare : « Roi de l’aventure ! Roi de l’Aiguille creuse ! Royaume surnaturel ! De César à Lupin…quelle destinée ! (..) Roi du monde, oui, voilà la vérité !(..) Il ya des moments où ma puissance me tourne la tête. Je suis ivre de force et d’autorité.. »
Quand parut L’Aiguille creuse, un critique de l’époque, Philippe-Emmanuel Glaser, écrivit dans Le Figaro : « Je crois bien avoir, en l’honneur des précédents Arsène Lupin, épuisé toutes les épithètes disponibles pour exprimer l’admiration, l’étonnement, l’émotion où me plongeaient les exploits du héros extraordinaire imaginé par M. Maurice Leblanc ; pour louer ce nouvel épisode, il me reste seulement la ressource de vous dire qu’il est digne des précédents, que l’invention la plus prodigieuse, l’imagination la plus riche s’y marient de façon surprenante avec une impeccable force de logique. »
De son héros – et à propos de L’Aiguille creuse – Leblanc dira dans Le Journal du 1er Juillet 1909 :
-Le divertissement est dans l’exercice libre, spontané, sans obstacles et sans frein, de l’imagination, faculté qui fut trop longtemps dédaignée depuis les merveilleux débordements d’un Alexandre Dumas ou d’une George Sand, et qui commence à prendre sa revanche au point que les romanciers les plus avertis lui demandent, aujourd’hui, les ressources nouvelles dont il ont besoin pour l’agrément de leurs livres. Plaisir exquis d’imaginer !
Les romanciers du XXIè siècle n’ont, hélas, pas retenu cette grande leçon du début du XXè siècle…