— Avez-vous été surpris par l’arrêt rendu par la CEDH ?
— Au niveau du droit, nous n’avions aucune raison de perdre. Aucune. La CEDH devait nous donner raison. La décision rendue a été guidée par des motifs politiques et idéologiques. On peut désormais décréter que certaines vies sont inutiles en invoquant la prétendue volonté exprimée que l’on ne voudrait pas vivre dans ces conditions. Demain, il suffira de dire, la main sur le cœur, que le richissime oncle Marcel n’aurait jamais voulu vivre ainsi pour pouvoir le faire mourir le plus légalement du monde. C’est le mode d’emploi mortifère validé par le conseil d’Etat et la CEDH.
— La décision rendue est donc inique ?
— C’est un scandale absolu ! D’autant que la CEDH n’a pas répondu à nos arguments essentiels et en a évacué d’autres avec mépris. Pour ne prendre qu’un exemple : nous soulevions le fait que le Dr Kariger avait annoncé dans les médias la décision d’arrêter l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert avant l’ouverture de la procédure dite de réflexion collégiale. C’est comme si un juge annonçait dans la presse une peine contre quelqu’un avant que le procès n’ait eu lieu. Et que nous a répondu la CEDH ? Elle a décrété que nos griefs n’étaient pas fondés ! C’est à suffoquer d’indignation et, surtout, c’est le signe d’un mépris total de la vérité et de la justice.
Bien entendu, pour la CEDH, il n’y a aucun problème à provoquer la mort d’un être humain en le privant de nourriture et d’hydratation. Le plus dramatique pour tout le monde : les parents de Vincent Lambert ont été déclarés irrecevables pour s’exprimer au nom de leur fils, qui, lui, n’est pas en état de parler. Ce qui signifie concrètement que la CEDH n’est plus que la Commission européenne des droits de l’homme en bonne santé. Toute personne qui se trouvera hors d’état d’exprimer sa volonté pourra être maltraitée impunément, puisqu’elle ne sera pas en mesure de se défendre. Cet arrêt ne peut être qualifié de décision de justice puisqu’elle en est l’exact contraire. La CEDH vient de perdre toute légitimité à prétendre défendre les droits humains. Elle est discréditée. Et ce sont cinq juges eux-mêmes qui le disent !
— Tous les juges n’ont pas validé cet arrêt ?
— Honneur aux cinq juges qui se sont insurgés contre la majorité des 12 : les juges de Moldavie, Malte, Géorgie, Slovénie et d’Azerbaïdjan. Ils ont rédigé une opinion dissidente remarquable qui est un désaveu cinglant de la décision prise par leurs collègues. Ils concluent que par cet arrêt la CEDH a perdu le titre de « conscience de l’Europe » qu’elle s’était arrogée.
— Quels sont vos recours possibles ?
— La décision du Dr Kariger est devenue caduque, puisqu’il n’est plus au CHU de Reims et que la loi dispose que la décision médicale doit être appliquée par le médecin qui l’a prise. Pour arrêter l’alimentation et l’hydratation de Vincent, il faudrait relancer une nouvelle procédure dite collégiale.
Nous avions anticipé cet arrêt de la CEDH et avons donc demandé officiellement au CHU de Reims le transfert de Vincent Lambert au motif du libre choix qu’a tout patient de son établissement de santé. Il ne peut s’exprimer, or la jurisprudence indique que, dans de tels cas, il revient aux protecteurs naturels de décider. L’épouse de Vincent Lambert, Rachel, a quitté Reims depuis deux ans pour refaire sa vie en Belgique. Ses parents, en revanche, sont auprès de lui chaque jour. Ils sont désormais ses seuls protecteurs naturels.
Nous ne laisserons pas quelques robes noires et blouses blanches porter atteinte à sa vie. Le combat pour la vie de Vincent Lambert ne fait en réalité que commencer.
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