Décès de Madame Carven à l’âge de 105 ans

« Si j’avais été une grande et belle fille, je n’aurais jamais créé ma maison de couture ! » avait pour habitude de répéter Carmen de Tommaso, du haut de son 1,55 m. Marie-Louise Carven, fondatrice de la maison de couture du même nom, est morte à l’âge de 105 ans. Elle avait ouvert sa maison de couture en 1945, incarnant le chic insouciant et gai d’après-guerre.

« Si j’avais été une grande et belle fille, je n’aurais jamais créé ma maison de couture ! » avait pour habitude de répéter Carmen de Tommaso, du haut de son 1,55 m. Étudiante aux Beaux-Arts, elle se destinait à une carrière de décoratrice d’intérieur. C’est pour répondre au mépris des autres marques à l’égard des petites femmes comme elle qu’elle fonde sa maison en 1945. Elle ignore alors que le « vert Carven » – signe d’espoir et de renouveau au lendemain de l’Occupation – deviendra aussi célèbre que le « rose Schiaparelli » ou le « bleu Lanvin ». En une quinzaine d’années, « la plus petite des grands couturiers » jettera les bases d’un style à son image, à la fois jeune et primesautier.

Enfant, c’est accompagnée de sa tante, Josy Boyriven, qu’elle découvre la haute couture. Empruntant à cette dernière la dernière syllabe de son nom, Carmen devient Carven. Après une première tentative avortée en 1938, elle devra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour fonder sa marque et s’installer sur le Rond-Point des Champs Elysées. La politique de rationnement pèse encore lourd sur une industrie textile à court de matières premières. C’est par hasard, au fond d’un grenier, que la jeune couturière tombe sur de vieux rouleaux de tissu à rayures blanches et vertes ; ce coton « roturier » – dans lequel elle n’hésitera pas à tailler des robes courtes – deviendra sa marque de fabrique. « Je me sens plus architecte que designer. Une collection de couture est un vrai exercice de proportions », affirmait-elle. Des couleurs lumineuses et contrastées, une taille affinée, un buste souligné… Ses vêtements, elle les veut simples et décontractés, dans le respect des lignes féminines. Pour sa première collection, Carven conçoit une robe printanière, sans manches, avec une grande jupe et une large ceinture. « Appelons-la “Ma Griffe” , maintenant que je suis une vraie couturière ! » Capitalisant sur l’immense succès de cette robe, Carven s’aventure dans la parfumerie et sort, un an plus tard, une fragrance éponyme. Pour fêter les dix ans de la Libération de Paris, en 1955, des centaines d’échantillons du parfum « Ma Griffe » seront lâchés sur la capitale, attachés à des petits parachutes blancs et verts. Une opération de communication spectaculaire et très moderne ! Carven est « un maillon entre la haute couture, un peu trop haute, des années 1950 et le prêt-à-porter des années 1960 », affirme Olivier Saillard, directeur du Palais Galliera. Multipliant les licences et développant un marketing réglé au millimètre, la créatrice, connue pour avoir habillé les hôtesses d’une quarantaine de compagnies aériennes, a défriché le terrain d’une mode grand public.

Pionnière, elle l’est aussi lorsque, dès ses débuts, elle organise les premiers voyages de présentation de ses collections haute-couture : en même temps qu’elle promeut sa marque, cette globe-trotteuse visionnaire devient exportatrice de l’élégance et de la culture française.

En 1972, Mademoiselle Carven épouse René Grog, propriétaire d’une des plus impressionnantes collections d’art décoratif du 18e siècle. Vingt-cinq ans plus tard, la donation au Louvre du fonds Grog-Carven permet au musée de se hisser, dans le domaine, au même rang que la Wallace Collection de Londres et le Metropolitan Museum de New York.

Promue Commandeur de la Légion d’Honneur, « Madame Trois Mille Volts » avait fêté ses 100 ans en grande pompe au musée Galliera, en 2009. Prenant pour exemple le retour gagnant de Lanvin au milieu des années 2000, la marque, rachetée en 2008 par le groupe Béranger, a été relancée avec succès sous la houlette artistique de Guillaume Henry de 2009 à 2014. Un come-back dont la fondatrice s’est réjoui sur la fin de sa vie.

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