Mes Provinciales est un drame français. C’est un film original, très écrit, qui se déroule pour l’essentiel dans l’univers d’une faculté de cinéma parisienne. Il est beaucoup question des professeurs et de leurs cours, des élèves et de leurs projets artistiques ou de leurs approches théoriques ou sensibles du cinéma. Même si l’on rencontre forcément quelques cuistres insupportables ou théoriciens tellement tourmentés à la Godard qu’ils en finissent par ne plus filmer, nous avons apprécié la richesse des références de beaucoup d’échanges. Le film s’adresse avant tout aux cinéphiles, ou amoureux du cinéma au sens large. Le titre renvoie aux Provinciales de Pascal, et fait quelques allusions au célèbre chef d’œuvre d’Eric Rohmer, Ma nuit chez Maud (1969).
Le jeune héros, Etienne (Andranic Manet), est un étudiant qui quitte la province pour étudier le cinéma à Paris. Il abandonne pour cela ses études de philosophie, dont il ne lui est resté qu’une passion pour la morale exigeante de Pascal. Cette conviction n’a du reste guère de sens hors de la foi chrétienne, nous permettons-nous de penser ; aussi, il en a forcément une relecture très personnelle. Elle aboutit même à une hypocrisie manifeste, digne des « jésuitismes » dénoncés dans les Provinciales par Pascal, est-il précisé par un des personnages féminins du film : il se dit d’une haute fidélité en esprit à sa fiancée et ne se permet que des distractions purement sensuelles, qui ne « compteraient » pas moralement mais s’avèrent fatales du fait de la distance… Partant à Paris, il a donc laissé sa fiancée sur place et elle se sent abandonnée. Nous la comprenons d’autant plus qu’au cours du film nous apprenons que le fiancé a quitté non quelque petite ville de province mais Lyon. Et il y a parfaitement moyen d’étudier le cinéma à Lyon, ville des frères Lumières. Evidemment, il y aura rupture.
Mes Provinciales, un bon moment de vrai cinéma
Etienne connaîtra des amours sans lendemains avec des étudiantes de sa faculté, ou une surexcitée politique d’extrême-gauche. Cette dernière, zadiste occasionnelle, lui inspire curieusement – tant elle nous paraît absolument insupportable -, une folle passion, non réciproque. Le marivaudage n’est pas le plus intéressant du film, même si l’on peut considérer qu’il relève de la description du milieu au sens large des apprentis cinéastes d’aujourd’hui. Les quelques scènes intimes réservent le film aux adultes ou grands adolescents. Les artistes ont quand même des caractères compliqués et ne sont pas, hélas, d’une stabilité mentale remarquable, ce que l’on sait depuis Nerval, abondamment cité.
Pour les curieux de son sujet ou les amoureux de Paris la nuit, abondamment montré et bien filmé, Mes Provinciales permet de passer un bon moment de vrai cinéma.