Comparaison n’est, certes, pas raison et les rapprochements analogiques cèlent aussi leurs propres limites. Nonobstant, pour mieux éclairer le phénomène Macron, il n’est pas inopportun de rappeler celui de son prédécesseur putatif, l’étrangleur ottoman mieux connu sous le nom d’Édouard Balladur.
Car lui aussi voulait « faire bouger les lignes » et rassembler les « réformistes » des « deux rives ». Assez « social » pour complaire à la gauche et suffisamment « libéral » pour rassurer la droite. Ainsi, oint par la majeure partie des médias de l’époque, renforcé par des soutiens issus du troupeau des égarés en quête de notoriété ou d’investiture législative, il était désigné vainqueur dès le premier tour de l’élection présidentielle par le quotidien vespéral de référence, Le Monde.
Ce qui le fit trébucher ? Une trop grande assurance, une campagne des plus brouillonnes et la gaffe d’un certain Nicolas Sarkozy, assurant alors qu’Édouard Balladur était fort « d’une coalition allant du CDS [les centristes d’alors, menés par Pierre Méhaignerie, NDLR] jusqu’au FN ». Quelques jours plus tard, la balladuromania médiatique s’inversa ; tout d’abord par une sévère une du défunt mensuel Globe, alors financé par Pierre Bergé, puis une « Chiracomania », à l’origine initiée en première page du Parisien par le même Pierre Bergé.
En ce domaine, Emmanuel Macron paraît avoir retenu la leçon et, pour une fois, semble réfléchir avant de parler. Il est vrai que, contrairement à Balladur, qui bénéficiait, on l’a dit, du soutien des médias dominants, ces derniers sont aujourd’hui autrement mieux verrouillés. Et pourtant…
Libération ne doit sa survie qu’au bon vouloir financier de Patrick Drahi – quelle ironie pour le journal maoïste fondé par Serge July, sauvé par François Mitterrand et cette social-démocratie européiste à juste titre honnie, avant de se faire racheter par la banque Rothschild pour, ensuite, tomber dans l’escarcelle de cette insubmersible arsouille –, mais il existe encore des journalistes qui, à défaut d’être irréductibles, font encore preuve de quelque trace d’esprit frondeur.
La preuve en est ce long papier recensant la prestation du candidat maison à « L’Émission politique » de ce jeudi dernier.
À mots couverts, le journaliste prend donc, en douce, acte de décès de toute forme de volontarisme économique ; ce qui signifie, si les mots ont encore un sens, que la gauche française a renoncé à la politique. Logique, Emmanuel Macron a montré le chemin. En marche !
En marche vers quoi ? Vers des ralliements tant opportunistes que folkloriques. Après Robert Hue, Jean-Michel Fauvergue, ancien patron du RAID, ralliement censé faire oublier le pas de deux d’une autre andouille galonnée, le général Bertrand Soubelet, gendarme un temps héros d’une droite portée sur le sabre et le goupillon, qui joue désormais les sous-préfets aux champs, non sans avoir prévenu : « Moi qui suis un homme d’autorité et qui ai toujours défendu mon pays, je ne vais pas laisser ces discours au Front national. Le FN s’en est emparé parce que les autres partis, avec leur lâcheté habituelle, les ont lâchés. Le FN, c’est comme la peste : dès qu’il dit quelque chose, on s’en éloigne… »
À partir d’un certain grade, il y a des officiers supérieurs qui devraient être interdits de toute forme d’activité politique. Ne serait-ce que par salubrité publique et pour éviter de faire rire trop fort nos enfants à l’heure du goûter, ou que Rika Zaraï, elle aussi militaire émérite, ne se sente venir sur le tard un destin présidentiel.
Nicolas Gauthier – Boulevard Voltaire