Cette œuvre fascinante du célèbre peintre flamand du XVe siècle n’a pas fini de livrer ses secrets. Les historiens, équipés de nouveaux outils techniques, s’interrogent : considérées comme les deux panneaux d’un diptyque, ces œuvres pourraient-elles être finalement les deux ailes d’un triptyque dont la partie centrale aurait disparue ? Cette exposition dossier est l’occasion de découvrir une riche iconographie et de s’intéresser aux questions scientifiques d’actualité.
Décryptage iconographique
Cette œuvre de dévotion privée est une commande réalisée à la fin de sa vie par Jan Van Eyck et son atelier. L’artiste a été au service de Philippe le Bon à la cour de Bourgogne, puis maître de son atelier à Bruges. Le duc écrivit d’ailleurs au sujet de Van Eyck, « que nous trouverions point le pareil à nostre gré ni si excellent en son art et science ».
Dans la partie supérieure, du panneau de la Crucifixion, le Christ en croix entouré des deux larrons se distingue sur un fond de ciel bleu. Au loin, apparaît une vue panoramique de la ville de Jérusalem. Un soldat est en train de percer le côté du Christ, tandis qu’une foule nombreuse aux expressions multiples est rassemblée à ses pieds. A pied ou à cheval, vêtus à la mode des contemporains de l’artiste ou parfois à l’orientale, certaines figures semblent venir assister au « spectacle ». En effet, ces hommes ne portent pas vraiment attention à la scène, préférant discuter entre eux dans des postures agitées procurant un certain dynamisme à la composition. Seul le centurion, monté sur son cheval blanc regarde le Christ. Au premier plan, l’atmosphère est au contraire à la désolation avec la présence de femmes agenouillées en pleurs. Jean l’Evangéliste supporte la Vierge Marie, tandis qu’à sa droite, Marie-Madeleine vêtue d’une robe verte et parée de longs cheveux roux, lève la tête et les bras dans un geste douloureux. Elle est la seule femme à regarder directement le Christ, incitant le spectateur à en faire de même. Le second panneau illustrant le Jugement Dernier représente en partie supérieure le Christ en Majesté entouré de la Vierge et de saint Jean, puis des anges, des saints, des apôtres, du clergé et des notables. Au centre, se dresse l’archange saint Michel au-dessus d’une allégorie de la mort. Derrière lui, des damnés sont en train de tomber en enfer. Ils rejoignent alors la partie inférieure, scène infernale où les condamnés sont dévorés par des démons. L’iconographie riche et complexe de ces deux panneaux composés de multiples scènes appelle le spectateur à réfléchir au « passage du péché et de la mort vers le Jugement et le Salut ». Le Jugement est inévitable mais le tableau du Jugement Dernier rappelle l’espoir d’être sauvé.
Des découvertes récentes
L’exposition dossier du Metropolitan Museum est l’occasion de faire le point sur les dernières recherches. En effet, la redécouverte récente d’un dessin de la Crucifixion attribué à Jan Van Eyck, acquis par le musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam, a relancé le débat autour des deux panneaux. Grâce à la technique de la réflectographie infrarouge, les chercheurs ont eu la possibilité de comparer les dessins sous-jacents des tableaux avec le dessin de Rotterdam. De plus, cet examen a permis de découvrir la présence d’un texte flamand à l’écriture gothique sur les châssis. Ces nouveaux indices concernant la forme et la fonction des œuvres sont décryptés dans l’exposition. Alors, diptyque ou triptyque ? Les recherches continuent…
A New Look at a Van Eyck Masterpiece, jusqu’au 24 avril 2016, Metropolitan Museum, New York